Extrait du journal

L'attention de nos lecteurs fut certaine ment retenue de façon particulière, hier, par notre rubrique : II y a cent ans. L'ex trait du feuilleton de Frédéric Soulié : « La Sœur de charité », qui paraissait en novembre 1837 dans nos colonnes, porte un accent si prophétique, si exactement applicable aux événements actuels, que nous n'hésitons pas à le reproduire ici de nouveau : L'école démagogique ne comprend pas la so ciété à l'état de paix : elle ne comprend que la guerre. La société, pour elle, est une bataille perpétuelle. Il n'y a de mouvement, il n'y a de progrès à ses yeux, dans l'ordre social, que par la guerre. Un peuple qui dépouille l'aristocratie qu'il a vaincue, qui, non content de la dépouil ler, l'extermine et la proscrit, voilà la société comme elle l'entend. Ce n'est point ainsi que l'entend l'école li bérale. L'école libérale sait distinguer ce qui est le mouvement et ce qui est la guerre. La guer re, elle la réprouve. Mais partout, dans le mon de moral comme dans le monde matériel, nous voyons le mouvement. On ne conquiert pas, on acquiert. Le travail mène à la richesse, la richesse mène à l'éducation. Le mouvement, vous ne l'apercevez que dans le désordre; c'est dans l'ordre, au, contraire, que nous le voyons. Frédéric SOULIE. II y a lieu de remarquer que Frédéric Soulié, dont le nom est injustement oublié aujourd'hui, n'était ni un « capitaliste » ni un « réactionnaire ». Fils d'un professeur de philosophie qui avait été volontaire en 1792 il gagnait sa vie, avant que sa renom mée littéraire eût grandi, comme direc teur de scierie mécanique. Ayant fait le coup de feu sur les barricades, en 1830, dans les rangs des insurgés, il ne demanda rien au nouveau pouvoir, qu'il avait pour tant contribué à installer....