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Journal des débats politiques et littéraires, 31 mai 1832

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Journal des débats politiques et littéraires
31 mai 1832


Extrait du journal

comme le faisait dernièrement un des journaux de l'Opposition, que la session a déjà été assez longue comme cela : non. Mais puisque quarante députés s'imaginaient de rouvrir, à eux seuls , une petite session extra-légale dans le salon de M. Laffitte, au moins eût-il été convenable de justifier tant de fracas par autre chose que d'insup portables redites. Voilà , certes , l'attente publique bien trompée! Depuis huit jours on ne parlait que'de la réunion mystérieuse des quarante députés. Une commission était nommée ; elle faisait son tra vail. Les journaux de l'Opposition nous menaçaient de quelque coup terrible ; et certes il ne pouvait tomber dans l'esprit de personne que quarante députés eussent pris une mesure aussi éclatante , aussi contraire à tous les usages et à toutes les règles , sans quelque motif puissant dont on ne pénétrait pas le secret. Enfin le jour de la ré vélation est venu : les quarante députés se réunissent de nouveau : on parle tout bas de république , de protestations , de vifs dissenti mens ; mais non , tout le monde est d'accord , et le fameux mani feste paraît. Vite, courons aux journaux; qu'y a-t-il ? Rien. Un discours de plus. Dens ce long bavardage, je n'admire qu'une chose , c'est l'art avec lequel le rédacteur, chargé de concilier sept ou huit opinions différentes, a su se tirer, à travers une accumula tion de mots vagues et bien ron flans , de l'embarras de préciser les choses. S'agit-il de la liste civile : « Nous avons cru, dit le maf » nifeste des quarante, que la royauté nouvelle avait d'au » très conditions de force et d'existence que le luxe et la » corruption des vieilles monarchies ; que, forte de son origine » populaire et de l'assentiment de la raison publique elle n'avait » besoin ni de frapper les imaginations par son opulence , nid a » cheter des dévouemens. » Admirable ! on ne disait pas mieux à l'Assemblée législative il y a quarante ans ; et tout le monde de si gner ! Riais laissons les mots. A quelle somme a été portée la liste civile de Louis-l'hilippe ? à douze millions : est-ce trop ? Voilà ce qu'il fallait exprimer nettement ; les phrases ensuite ! Mais vous , M. Laffitte , vous avez présenté une liste civile de dix-huit millions; mais vous, M. Odilon-Barrot, vous avez voté avec la Chambre presque tout entière pour les douze millions. Voilà pourquoi il vous fallait une grande phrase déclamatoire sur le luxe et la corruption des vieilles monarchies, au lieu d'une articulation trop précise. Vous accusez la majorité et vous avez voté comme elle. Douze mil lions c'est, dans tous les cas, moins que dix-huit. M. Laffitte sait cela aussi bien que nous. S'agit-il du budget ? C'est la même accumulation de mots vides et sonores. Ecoutez : « Le budget semblait devoir réunir toutes les » opinions dans des vues d'économie et de soulagement des con n tribuables. Les continuateurs de la ■ Restauration ont trouvé » toutes les dépenses légitimes, tous les impôts bien assis : et, » comme si ce n'eût pas été assez de la loi douloureuse de la né » cessité, ils se sont chargés,, dans leurs insultantes théories , de » faire considérer comme un bienfait l'exagération de l'impôt. Abus » aurions voulu que la révolution apportât sa dot au peuple. Loin » de nous la pensée de compromettre des ressources que la défense » du territoire peut rendre nécessaires ; mais une administration » plus économique et plus simple, une meilleure assiette de certains » impôts , un mode de recouvrement moins tracassier diminue » raient le fardeau des charges publiques, etc. Admirez, admirez, je vous prie , l'habileté du rédacteur. Voyez vous les continuateurs de la Restauration qui insultent à la misère du peuple et qui se repaissent des sueurs du pauvre vigneron ! Quelles sangsues ! ils ne se contentent pas de voter et de dévorer le budget; ils rient encore, les scélérats ! Ils trouvent toutes les dé penses légitimes, tous les impôts bien assis ! C'est à faire frémir. Certainement, le rédacteur du manifeste a été s'inspirer auprès de certaines caricatures qui tapissent nos rues. Mais l'Opposition, hélas! elle aurait voulu que la révolution apportât sa dot au peuple. Quelle dot ! le père de famille donnera son dernier écu ! Voilu la dot que la révolution de juillet eût apportée au peuple , si l'on en eût cru l'Opposition. C'est M. Odilon-Barrot lui-même qui l'a dit dans un jour de franchise. S'il l'a oublié, la France s'en souvient. Mais non , il ne l'a pas oublié; malgré le vague dans le quel s'enveloppe le manifeste, la phrase suivante le témoigne assez : Loin de nous la pensée de compromettre des ressources que la défense du territoire peut rendre nécessaires. Eh ! oui, guerre uni verselle et diminution d'impôts ne vont pas ensemble. Vous le savez bien. Mais ne fallait-il pas quelques phrases aussi sur le budget? i .vi. Remarquez encore avec quel soin on évite de préciser les grandes! économies qui auraient pu être faites, les impôts qu'il eût été facile d'alléger. Vous devinez pourquoi, j'espère. Vous n'avez pas oublié les efforts de l'Opposition pour s'emparer de l'amortissement. C'était là son but, c'était là sa grande affaire dans la discussion du budget. Mais qui a défendu l'amortissement? M. Laffitte, et la signature de M. Laffitte était nécessaire au manifeste ! Et puis, si l'on eût essayé d'indiquer les impôts qui pèsent le plus sur le peuple et qu'il serait plus urgent d'alléger, ne voyez-vous pas que sur les quarante dé putés signataires il ne s'en serait jamais trouvé trois d'accord? Vite, une phrase contre les continuateurs de la restauration. Tout le monde signera cela , même M. Laffitte ! L'Opposition combat de toutes ses forces une loi sur les céréales, présentée par le gouvernement, extrêmement favorable au peuple ; elle réussit à la faire rejeter, et puis elle se lamente hypocritement sur la misère du peuple , et en rejette la faute au gouvernement! La loi sur les céréales, c'était la dot du peuple; c'était un soulagement du moins; il fallait la voter, et faire ensuite des comptes-rendus ! la loi sur les céréales, je vous prie ! Pourquoi cet article ne se trouve-t-il pas dans votre compte rendu? il y eût fait une belle figure! S agit-il des lois qui restent à faire ? A entendre le manifeste, rien n'eût été plus facile que de tout terminer dans une seule session , comme si le gouvernement pouvait empêcher les membres de l'Op position de venir l'un après l'autre encombrer des propositions les plus futiles le bureau du président, et quêter leur petite part de po pularité ; comme s'il ne fallait pas, tous les mois au moins, trois...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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