Extrait du journal
Le socialisme d'Etat agricole.— Les préfets viennent de recevoir du ministère de l'agriculture un document administra tif qui présente un trait assez original. Ce sont des instructions pour l'exécution d'une loi qui n'est pas encore votée. Il s'agit de la culture des terres abandonnées qui doi vent être enlevées à leurs propriétaires suivant le bon plaisir des maires, assistés de deux conseillers municipaux, et mises en valeur par les soins des communes. Nous avons déjà parlé plusieurs fois de ce projet, conception d'origine socialiste adoptée sans réflexion par la majorité parlementaire. Soumis à la Chambre au mois de janvier dernier, il a été voté par elle au mois de mai, avec quelques aggravations du texte présenté pas le gouvernement. Elle a trouvé à propos, notamment, d'introduire le ré gime des réquisitions arbitraires d'instru ments agricoles, de machines, de locaux et d'animaux de trait, non pas seulement comme le faisait le texte primitif, pour la culture des terres non exploitées par leurs propriétaires, mais aussi pour celle des terres" déjà en cours d'exploita tion : admirable moyen de favoriser les amis de la municipalité au détriment de ceux qui ne sont pas en bons termes avec elle. Envoyé au Sénat dans les premiers jours de juin, le projet y a subi une nou velle modification qui l'a rendu encore pire. D'après la rédaction de la Chambre, si l'ex ploitation prise en main par la commune et son « comité agricole » donne des pertes, il ny a aucune responsabilité pour les finances municipales : la commune fait les sottises et c'est l'Etat qui les paye. Le Sénat, avec raison, a trouvé cela absurde. Il a donc mis à la charge de la commune un cinquième du déficit. Mais il a eu l'idée extraordinaire de faire tomber trois autres cinquièmes de ce déficit sur le dos du propriétaire du terrain, lorsque ce propriétaire ne sera pas un mobilisé. Par conséquent, on ne se contentera pas de prendre la terre : on forcera aussi le propriétaire dépossédé à solder près du tiers de la carte à payer si la re cette ne couvre pas la dépense. Ainsi cor rigé, le projet de loi a été voté par le Sénat à la veille des vacances. Il doit donc re tourner au Palais-Bourbon après la ren trée, pour y subir peut-être quelque nou veau perfectionnement du même genre. Mais le ministre de l'agriculture est si pressé de le voir appliqué qu'il n'a pas même voulu attendre le vote définitif pour donner ses instructions aux préfets, en vue des semailles d'automne. La plus grande partie de la circulaire est d'ailleurs consa crée à une tâche difficile : elle entreprend de démontrer que la loi en préparation est ex cellente, qu'elle ne porte aucune atteinte aux droits de la propriété privée, qu'il n'y a aucun arbitraire à craindre de la part des maires. « Les municipalités, dit le ministre, placées sous le contrôle de l'opinion pu blique, sentent bien que les moindres in justices leur seraient plus tard amèrement reprochées et s'efforcent au contraire de ne froisser personne. » Ce qu'il y a plutôt à craindre, ajoute la circulaire, c'est que les communes n'aient une tendance à ne faire fonctionner la loi que dans des cas « où son application sera sollicitée par les exploitants eux-mêmes ». C'est une touchante perspec tive. Mais à quoi bon cette loi d'expropria tion, et pourquoi les socialistes s'yseraient ils si vivement intéressés, si vraiment, en l'ait, elle ne devait contraindre et contra rier personne ?...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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