Extrait du journal

Chaque matin les journaux de province nous apportent quelque nouveau récit des vengeances exercées par l’administration contre les rares agents des services pu blics qui, malgré les ordres venus d’en haut, ont voulu rester étrangers à la lutte électorale. On leur avait dit : Vous n’avez pas le droit de rester indifférents. Ceux qui n’ont pas compris ce que cela voulait dire sont châtiés et rudement châtiés. On a révoqué des cantonniers, des bura listes; on a même frappé un instituteur qui s’était refusé sans doute à organiser dans sa commune les bandes chargées de poursuivre de leurs vociférations et de leurs menaces les candidats de l’opposi tion. Voici qui est mieux encore. Dans la Vienne, c'est un lieutenant de louvcterie qui a encouru les foudres de M. le préfet. Remarquez que ces fonctions sont pure ment gratuites et que leur acceptation n’est qu’un acte de dévouement. Donc, le lieutenant de louvcterie de Montmorillon n’ayant pas montré une correction suffisante pendant la période électorale, a été relevé de ses fonctions Sur quoi, nous dit un journal de la Vienne, les loups ont adressé à M. le pré fet une lettre de vifs remerciements. Voici quelques extraits de cette épître : Monsieur le préfet, Permettez à de pauvres proscrits de ve nir vous témoigner toute leur reconnais sance. Le bourreau des loups qui vient en core d’en faire tuer un superbe, il y a à peine quinze jours, est enfin destitué des fonctions de louvetier, qu’il occupait depuis trente ans. Désormais il nous laissera vivre en paix... Monsieur le préfet, vous nous avez rendu justice, vous savez bien que nous sommes de vrais, de véritables républicains ; pour nous la force prime le droit, nous vivons de déprédation et de pillage, et nous nous réunissons en bande pour mieux dévorer ceux qui ne peuvent se défendre Avec de telles habitudes la République ne pouvait que nous accorder son amitié et sa protec tion Vous l’avez compris, monsieur le préfet ; recevez donc, nos plus sincères compli ments, et croyez à l’expression de notre profonde reconnaissance. Un vieux loup. Montagne-de-Blond, le 9 octobre 1880. Ce vieux loup ne manque pas d’esprit, il aurait dû poser sa candidature....