Extrait du journal

La faim, qui attache des ailes aux flancs des ani maux, allongeait leurs dents do diamant brut, et les faisait descendre du sommet des montagnes, à la tombée de la nuit. Un matin du mois de février, trois villages des environs d’Arbois étaient sur pied ; les maires, cei gnant leurs écharpes, marchaient en tête des paysans, armés de mauvais fusils et de fourches. On signalait partout des bataillons de loups disci plinés pour le carnage, et marrhant à la queue les uns des autres comme les cosaques. Partout où ce terrible ennemi venait à se montrer, il laissait des traces sanglantes de son passage ; toute la volaille était dévorée ; pas do troupeau qui n’eût été dé cimé. Les bœufs étaient volés dans l’étable, et les chevaux étranglés dans l’érurie. Ou en était arrivé à s’estimer heureux quand les hommes euxmêmes ne devenaient pas la proie des terribles voisins des villageois. Dans plusieurs communes, on n'avait échappé à ce désastre qu’en sonnant le tocsin et en s’armant à l’improviste. La troupe armée dont nous venons de parler...