Extrait du journal

Le Droit et la Gazette des Tribunaux pu bliaient hier matin la lettre suivante rela tive aux affaires Tonnelet et Beitm : Mon cher confrère, Depuis plusieurs semaines je lis, avec une émotion pénible, les violentes récriminations de la presse allemande contre les décisions du jury dans les affaires Tonnelet et Berlin. .T’at tendais chaque jour une réponse du gouverne ment, et ce matin, un lisant dans les jour naux une dernière note tout à la fois inju rieuse pour notre justice et menaçante pour nos malheureuses provinces encore occupées, je n’ai pu résister au désir de réfuter de telles attaques. J'ai été le défenseur de Tonnelet; mon jeune secrétaire, Ch. Lachau, a été l'avocat de Bertin; c'est là, je pense, ce qui me donne le droit d’intervenir pour affirmer la vérité. Le sentiment du droit n’est pas éteint en France, grâce à Dieu ; c’est parce qu’il survit à tous nos malheurs que des hommes honora bles ont, dans leur âme et conscience, acquitté Tonnelet et Berlin, après avoir entendu la défense de ces deux accusés. Les journaux allemands font abstraction complète des circon tances que le débat et la défense ont mises en lumière, et, ne retenant que l'accusation, ils voient dans le verdict d’acquittement la satisfaction donnée à une haine féroce ; ils osent dire qu’en France on assassine impunément un Prussien, et à l'a venir M. de Bismarck prendra des otag<-s pour contraindre la conscience des jurés! Est-ce bien en France que le sentiment du droit est éteint t Tonnelet, soldat français, a été prisonnier de guerre en Prusse, il a cruellement souffert, et, de retour en France, il a l'ait entendre des paroles de haine et de vengeance. L’accusé nie ce fait, mais la défense l'accepte, et ce n'est pas là ce qu'il est important de îetenir. Une querelle s’engage entre Tonnelet et un soldat prussien. Le soldat, après s’être éloigné, revient sur Tonnelet et porte la main bre. Tonnelet était-il alors dans le cas de légi time défense? Il le soutenait, son défenseur *nvt e lui; les jurés Vont cru et ont acquitté Tonnelet, car dans toutes les législations il n’y a pas de crime lorsqu’un accusé est en cas de légitimé défense. Bartin est un pauvre garçon jardinier du dé partement de Seine-et-Marne. Les malheurs de 11 guerre , les scènes horribles d’une invasion désastreuse, ont troublé sa raison ; il est fou, dit la défense, et dans sa folie il a happé un soldat prussien qui heureusement survit aux coups et peut attester l’état mental de son ad versaire1. Le tribunal a acquitté, ne demandant pas à un pauvre insensé la conscience de ses actes. Il était bien facile, il me semble, à la presse prussienne, de se renseigner sur des faits aussi simples, avant de nous jeter un ldàme si inju rteux. Et maintenant il sera acquis pour tous, je l’espère, que la justice française est restée im partiale, qu’elle est au-dessus des passions, de a haine et de la vengeance , et que dès lors les attaques dont elle est l’objet ont pour uni que but de légitimer aux yeux de l'Europe de nouvelles mesures de rigueur. Votre bien dévoué, Cn. Lachauu. décembre 1871....