Extrait du journal

quoi frapper de pauvres diables coupa bles d’avoir dit tout haut ce que d’autres pensaient tout bas, puisque vos condam nations, loin d’écraser cette pensée, lui ont donné comme des ailes ? Ils sont sans nombres les exemples de ces doctrines et de ces hommes qui, gran dis par la persécutions, ont obtenu une popularité sans limites, et qui, laissés à eux-mêmes, auraient disparu sous l’in différence publique. Qu’est-ce donc qui féconde mieux une religion nouvelle que le sang de ses martyrs ? Est-il pour un journal d’opposition une meilleure chance de succès qu’une sévère condamnation '? Rochefort eut-il été ce qu’il a été, dé puté et membre du gouvernement de la défense nationale, si l’empire ne lui avait, à coups de condamnations, fait une popularité et le meilleur titre de tel proscrit que vous voyez, aujourd’hui, représentant du peuple, n’est-il pas d’avoir été frappé sans relâche par la monarchie de juillet et par l’empire ? I ne condamnation, mais c’est un prospectus tiré à cinq cent mille exem plaires ! Les Droits de l homme, inconnus hier dans les trois quarts de la France, y seront connus demain, car tous les journaux de Paris et des départements, à quelque nuance qu’ils appartiennent^ auront annoncé leur condamnation. Et Paris, Paris;où ils étaient peu lus et vus avec défiance, mais. qui de la commisération passe vite à la sympa thie et de la sympathie i’engouement, Paris verra en eux des martyrs frappés pour avoir défendu l’amnistie et il leur reviendra peut-être. Car, si la persécution désarme tou jours les méfiances et rend aimables ceux qu’elle a frappés, ce sentiment de réaction est bien autrement vif en France que partout ailleurs, en France ou nous avons le sang chaud, le cœur généreux et comme une tendance à protéger tous ceux qui paraissent les plus faibles, tous ceux qui semblent opprimés, tous ceux qui sont frappés. II y a donc à la fois injustice et mala dresse à sévir contre la presse : puis que le ministère ne semble point l’avoir compris et vient d’ajouter à ses fautes une faute de plus, c’est à la majorité ré publicaine du Parlement qu’il appar tient d’intervenir, en mettant, au nombre des libertés qu’elle veut, dès la rentrée, proclamer nécessaires et assurer immé diates, la liberté de la presse.' Paul Emion....