Extrait du journal

Voici donc un nouveau ministère et l'on doute que rien soit changé. Pour moi, revoyant dans mon esprit les agitations du petit monde pari sien, durant ces derniers jours, je me dis que rien n'est changé non plus dans la nature et le caractère de beaucoup de Français, qui res tent des personnages de comédie je tés dans un drame. Combien j'en ai vu qui ne s'intéressaient à la crise ministérielle que pour ne plus s'apercevoir de la crise nationale ! Ils se demandaient avec effarement si celui-ci ou celui-là serait minis tre, ils se passionnaient pour ces ri valités de nains, ils étaient moins effrayés encore des nouvelles qu'ils apprenaient que fiers de les savoir un instant avant les autres. Cette curiosité futile pour les détails d'un ensemble qu'on ne saisit pas, cet or gueil d'être chargé d'une prétintaille de renseignements sans va leur, ce goût de ne savoir des se..erets insignifiants que pour ne pas voir des évidences terribles, tout cela marque chez nos Français la survivance des défauts qu'a pro duits en eux la société mondaine et qu'ils garderont jusqu'à l'effondre ment de la société réelle. Mais il y a dans leurs dispositions quelque chose de plus : c'est l'espoir d'être tirés du péril sans avoir eu rien à faire. Les Français croient toujours qu'ils vont être sauvés par ceux qui les perdent : c'est qu'ils n'ont pas encore pris le parti de se sauver par leur propre effort. Ils jouissent du triste privilège d'être le peuple du monde auquel on peut le plus1 men tir : c'est qu'ils ont envie de men...