Extrait du journal
de la femme /^gare de Al... fut mise, l’autre soir, f%plution. Cinq employés (que le eùef de Rare m’excuse de le porter au lionsî:re; essayèrent en vain de déloger, . v«n compartiment, un petit garçon qui prétendait, partir sans billet. Comme le convoi bravait qu’une halte de trois mi nutes, comme le petit garçon, réfugié du côté de la contre-voie et cramponné à la banquette menaçait de se ficher par la . fenêtre sous le train les cinq employés conjugués sentirent le néant de leur puissance : force ne resta pas à la loi, mais victoire au petit garçon. J’appris la chose un peu plus tard, quand, me hissant au wagon presque désert, à. la gare suivante, je vis, enla cés, le petit garçon et sa maman. Car il y avait une maman. 4t •£ L’enfant paraissait douze ans à peine, nu-tête, avec des cheveux en épi sur le front, et vêtu d’un tablier noir à plis,, avec, aux pieds, des sandales de cuir, la tenue d’écolier enfin. Or, de temps en temps, prenant la tête câline dans sa main — sa main longue de travailleuse faite pour réussir le fin et le fort — la femme baisait son fils à la tempe, lui, blotti, me regardait d’un air triomphant, puis, tous deux, comme au souvenir d’une bonne histoire, se tenaient d’écla ter de rire à mon nez, un sourire éclai rait simplement leur figure ; la mère serrait son fils plus étroitement avec un air de poule couveuse (et lui de poussin réfugié). Cela m’incitait à construire, en pensée, tout un drame. Or, voici ce qui s'était passé : Le petit garçon était à la campagne, en vacances, depuis huit jours, chez sa grand’ mère — et vraiment une bonne grand’ mère — quand sa maman arriva pour affaire dans le pays, inopinément. Septembre n’étant pas terminé, elle ne voulut (bien que mère-poule) nullement emmener son rejeton. Lui. docile et comme convaincu, sans protester contre l’ukase, s’en fut la conduire à la gare en sandales et .tablier noir, comme on fait ait village, avec en cortège,'la mère grand et.la foule des petits cousins.’.Mais, foin des cousins petits et de la .grand’ mère ! Quand le train-, sous pres sion, eut englouti la voyageuse, l’enfant, monté pour faire ses adieux, ne voulut pas redescendre,., et, comme j’eus plus haut l’honneur de vous le décrire, les autorités affolées* (mais raisonnables), lâchèrent pied. ’ Evidemment, le fait eût, à Paris, causé scandale et maintes alarmes, motivé une sévère sanction, mais, au village où cha cun se connaît, le personnel comprend mieux : un ticket non réglé au départ se paie à l’arrivéfe. De la sorte tout le monde est content — voire même le pe tit garçon. , Celui-ci tenait la main de sa maman dans ses deux menottes, une dessous, l’autre dessus, paumes jointes sur son trésor reconquis. 11 avait la figure pâle et fine, l’œil brillant et clair, et, timide, résolu, joyeux tout ensemble, sa bouche pincée gardait encore une réticence, un noîi me, souvenir de la lutte proche, en treprise pour voler, sur le sort commun aux petits garçons et la volonté des gens raisonnables, sa part de bonheur. La mèrç, furtivement riait, haussant l’é paule d'un air de moquerie douce, fière au fond de l’excès d’amour. Car, îiotons-le, tout le long de l’an cet enfant reste « en pension à demeure », se sou met, poursuit ses études, supporte pa tiemment sa prison. Mais, quand re viennent les vacances, sa mère est à lui : nul plaisir, nulle fête ne peuvent l’en distraire ; lé scandale n’effraie plus cet enfant sage, et la perspective de voyager en tablier — qui confond d’une horreur rétrospective sa tendre mère, ne peut pas du tout l’offusquer. • & & Sur la route de Paris, à vingt kilomè tres en . deçà, ils descendirent. La ma man ouvrit la portière, saisit son porte.' parapluie, son sac de voyage, franchit le marche-pied, avec, jeté sur ses traces et vif comme un écureuil, le garçonnet 'rayonnant. Ils furent bientôt rejoint par un groupe : la bonne qui happa les pa rapluies, le jeune employé qui prit la valise, empressé, puis une grande petite fille qui, frappant dans ses .mains à la vue de son frère, s’écria d’un ton rail leur et joyeux : « Je savais bien qu'on te ramènerait... Je savais bien... » Elle s animait, chantonnant les mêmes paroles, les yeux brillants comme ceux de son puîné, un nimbe de cheveux cendrés flottait autour de sa figure pareille. Et ces gens-là s’écoulèrent tous avec la fou le, vers le dehors. La maman poussait son troupeau devant elle, comme fait un soigneux berger, mais le petit garçon, accroché, ne la lâchait pas d’une se melle, bien qu’il eût retrouvé son milieu. Je les vis ensemble gagner la porte. Ils ne s’égaillaient pas mais formaient un tout cohésif, agrégé, dont la mère était le noyau. Et grande, mince.— trop min ce, comme celles qui occupent à l'excès leurs journées — cette créature simple et...
À propos
Fondé en 1880 par Eugène Mayer, L’Intransigeant était un quotidien de tendance socialiste. Ce qui ne l’empêcha pas, lors de l’affaire Dreyfus, de se laisser aller à un antisémitisme farouche.
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