Extrait du journal

L’école anglaise a maintenant droit de cité chez nous. Le succès obtenu par MM. Pillet, commissaire-priseur, et Haro, expert, est indiscutable. Ils ont su tirer parti de la veine, inconnue à l’Hôtel, ouverte inopinément sous les yeux du public. Jamais une collection d’œuvres exclusivement anglaises n’avait vu, chez nous, le feu des enchères. Aussi le succès de lundi doit-il donner à réfléchir aux amateurs. Ici, il n’y a pas eu de surprise, de coup monté. C’est pièces en main que les collectionneurs ont pu se décider. Le seul étonnement des curieux a été, avec raison, causé par le prix de 27,000 fr. attribué à une esquisse très peu accentuée de Constable. Il est juste de dire que l’ébauche du maître britannique a été acquise par un compatriote. Il y a des engouements de clocher qui s’expliquent. Mais, à part cette... fantaisie, l'ensemble de la vente est des plus satisfaisants, des plus honorables. Les prix que nous donnons plus loin nous dispensent de tout commentaire. Ils ont atteint la juste limite, ni en deçà, ni au delà. C’est un heureux début en France et nous souhaitons que d’autres ventes du même genre nous per- mettent de juger l’art étranger sous son véritable jour. Peut-être que ce mot « art étranger » va nous amener quelques critiques ; nous le maintenons néanmoins. Nous savons comme tout le monde que l’art est cosmopolite, qu’il n’appartient pas plus au Nord qu’au Midi ; qu’il est l’essence même des progrès et des manifestations de l’humanité. Toutefois, élans T espèce, comme on dit au Palais, nous persistons dans notre dire. L’art est universel. Pourtant il se manifeste de différentes manières ; il a son idiome local qui lui imprime une saveur toute spéciale, toute personnelle. C’est le goût du terroir qui perce, en dépit des principes fondamentaux ; la note particulière qui se fait entendre. Le génie revêt tant d’aspects contraires, et cependant vrais, suivant le climat où il circule. En suivant cette idée, on peut bien constater que, jusqu’à présent, l’Angleterre échappait à l’appréciation du public. Un voyage à Londres peut seul familiariser l’amateur avec ces maîtres parqués dans une île et qui semblent avoir puisé dans leur isolement une âpreté natale....