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La Cocarde, 11 octobre 1889

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La Cocarde
11 octobre 1889


Extrait du journal

UN COUP DE BISMARCK M. de Bleichrœder à Paris Nous avons signalé, il y a quelques jours, la présence, à Paris, de M. de Bleich rœder, le fils du grand banquier allemand, Yalter ego de M. d’ Bismarck. Bleichrœder joue depuis quelques an nées sur le marché européen le rôle que joue son maitre dans les chancelleries. Le premier seconde l’action du second ; les intrigues financières vont de pair avec les intrigues politiques. Financièrement, M. de Bismarck pour suit un double but : nous amoindrir et nous ruiner; diriger contre les capitaux français des campagnes comme celles qui ont déjà abouti contre des entreprises ou de grands établissements de crédit fran çais et se servir dans la plus large mesure, grâce à de criminelles complicités, des ressources de la France. M. de Bismarck l’a dit un jour à la tribune du Reichstag : Le vieux pays de France est encore un des plus riches d’Europe, grâce à une population laborieuse de paysans et de petits bourgeois qui économise et grossit ainsi le capital de la nation. Ni en Alle magne, ni en Italie, ni même en Angleterre, cette classe de citoyens trouvant moyen d’épargner sur le salaire ou sur le gain de chaque année n’existe. La France, plus que tout autre peuple, pourrait donc résister longtemps aux lour des charges que la paix armée lui impose. Le traité de Francfort a eu pour premier objet do nous ruiner économiquement ; mais il ne suffisait pas ; le chancelier ne pouvait réussir dans son œuvre que grâce à la complicité ou à l’incapacité de nos ministres et des Chambres. Or, ses vœux ont été comblés au delà de ses désirs. Les traités de commerce que nous avons consentis sont désavantageux pour nous. L’Allemagne, en vertu des dispositions qui lui accordent le traitement de la nation la plus favorisée, profite d’autre part de toutes les concessions que nous faisons. De ce côté donc, une guerre impitoyable est menée contre nous. Les finances italiennes L’Allemagne cependant n’est pas riche. Son alliée, l’Italie, l’est moins encore. Cha que fois qu’il est nécessaire de faire appel au crédit, c’est à la France ou à l’Angle terre qu’il faut s’adresser. Cette année particulièrement, on estime, à Berlin et à Rome, qu’il serait avantageux de drainer les capitaux français au lende main de l’Exposition. La situation financière et économique de l’Italie est du reste désespérée. La politique de M. Crispi, la guerre de tarifs avec la France ont entraîné de véritables désastres Or, l’Italie se rend parfaitement compte que la triple alliance est l’unique cause de cotte ruine. Jusqu’à présent, le gouvernement de Rome a pu faire attendre des compensations qui lui ont été promises ; il a espéré à la fin de l’année dernière la guerre immédiate et M. Crispi ne dissimulait pas que l’Italie seule en profiterait, quelle que fût l’issue de la lutte. Mais M. de Bismarck, devenu prudent avec le temps, n’a pas voulu risquer cette grosse partie pour la plus grande gloire de M. Crispi. Il a calmé les impatiences de ce lui-ci et, loin de rien lui accorder, il a ré clamé de lui de nouveaux services. Le voyage de Guillaume II à Rome, les inspections passées par les généraux alle mands ont prouvé que l’Italie n’était pas suffisamment prête, que la mobilisation de son armée s’opérait trop lentement, que la défense même de son territoire n’était pas assurée. Or, M. de Bismarck, et surtout le grand état-major allemand, ne se conten tent pas, eux, de simples promesses ; ils ne veulent que des alliés sûrs et disposant d’une force véritable. Il eût été trop com mode, en effet, à l’Italie, en cas de guerre, de défendre les Alpes, tandis que le gros de l’armée française aurait été engagé sur la frontière de l’est et d’attendre ainsi les pre mières batailles. Le gouvernement de Rome, en cas de victoire de la France, se serait empressé d’abandonner l’Allemagne et de traiter avantageusement. M. de Bismarck exige que l’Italie ait une armée prête à entrer en ligne dès les premiers jours de la campagne et à concourir à l’exécution des plans du grand état-major allemand. Un emprunt nécessaire Des travaux de chemin de fer, des tra vaux do fortification, des armements de toute sorte étaient donc nécessaires; mais, si grande que fût la bonne volonté de M. Crispi, il ne pouvait songer à faire pe ser sur un pays,déjà à moitié ruiné,de nou velles charges. Toutes les tentatives du président du conseil italien pour équilibrer son bud get ont échoué ; il a dû changer plu sieurs fois de ministre des finances. Quoi qu’il fit, il se trouvait dans l’impossibilité absolue de faire face à ses engagements. Les récentes catastrophes qui se sont produites dans les banques italiennes ont prouvé la gravité du mal. M. Crispi, il est vrai, aurait pu faire son meâ culpâ et tenter de renouer les relations commerciales avec la France ; mais alors il était condamné à renoncer £ la politique...

À propos

Lancée en 1888 par Georges de Labruyère, La Cocarde fut longtemps un titre dévoué corps et âme au mouvement boulangiste. Après l'écroulement de celui-ci, le périodique renforce sa ligne démocrate-chrétienne tout en rencontrant de plus en plus de difficultés financières. Plusieurs directeurs s'y succèdent, dont Maurice Barrès, mais aucun ne réussit à ranimer le périodique. Il continue toutefois sa parution jusqu'en 1938 avec un tirage extrêmement confidentiel – estimé à quelque 25 exemplaires par numéro.

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