Extrait du journal

... Elle lui prit la tête entre ses deux mains, et le regardant bien en face avec ces yeux auxquels il ne résistait pas : — Tu me caches quelque chose..? Le lieutenant voulut tourner ia tête. Mais elle la lui maintint avec la dou ceur de ses mains grandes ouvertes. — Ton cheval est encore malade..? — Oh., mon cheval!.. — C’est plus grave que cela?.. — Oui... — Est-ce très... très grave..? — Oui. — Alors..? — Pourquoi t’ennuyer des misères du quartier?... Quand j’arrive ici, mon repos, c’est de te voir, de me distraire en tes yeux heureux... et que rien ne me parle plus de ce que j’ai quitté à la caserne. — Et mon repos a moi serait de savoir tout... de voir clair en ton âme comme on voit clair en certains jours de prin temps... — Je te répète : à quoi bon ! ! — En d’autres termes, je suis seule ment l’amie des bons jours... — C’est déjà quelque chose... — Eh bien... suppose, un seul instant, que j’agisse ainsi envers toi... que j’aie une peine... une très grosse peine, et que je te la cache, en te disant : « A quoi bon!.. » — Tu veux que je te raconte tout..? — Depuis le jour de mon mariage, je ne dis plus : « Je veux !» — Ma chère petite... si maintenant je te fais de la peine, mon malheur sera complet. : — La peine à deux cesse presque d’être une peine... — Alors... lis ça! Le lieutenant tira de son dolman une lettre, la tendit à sa femme; puis, de long en large, se promena dans le salon....