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La Croix, 4 août 1933

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La Croix
4 août 1933


Extrait du journal

Nos yeux ne sont pas encore guéris de la griserie de Colombo qu’aggrava celle de Singapour. Tant de lumière, tant de choses i Traduire ce que nous avons vu ? Nous ne le pouvons pas. Est-ce pa resse ? N’est-ce pas, au contraire, un peu de jalousie qui nous retient ? Allez donc déchiffrer cela dans un pauvre cœur humain. La jalousie a mille formes et, peut-être, celle qui est la plus impérieuse est celle de l’amour qui nous incite à cacher l’objet que nous avons aimé. Et nous avons vu tant de mer veilles 1 Nous les avons tellement aimées ! Tout au long de ce grand périple merveilleux bordé de magni ficences, nous nous sommes assis parmi les touffes d’orchidées rares. A Pénang, dans la nuit, nous avons vu les requins qui frôlaient notre barque à balancier, émouvoir, sous les flots, de prestigieuses tranchées de phosphorescences. Impuissance des mots, réserve du cœur, tout se ligue et nous-empêche de traduire de si magnifiques émerveillements. Il est 4 heures de l’après-midi. Nous arriverons ce soir, à minuit, au cap Saint-Jacques qui se trouve à l’embouchure de la rivière de Saigon. Là mer se fâche depuis plus d’une heure. Pourvu que l’ordre ne soit pas donné d’évacuer le pont. Sans doute, on se fait mouiller un peu. Les lames embarquent régulière ment, mais le spectacle est si beau ! De gros nuages noirs se bousculent dans le ciel, projettent des traînées d’ombres et puis libèrent l’impi toyable soleil des tropiques. Le Géné ral-Metzinger, notre bateau, a pris son rythme. Toutes les. trois se condes, il plonge son étrave dans l’océan qui jaillit sous sa masse. Il se relève pour replonger plus profon dément. Des jets puissants giclent par les étambots, semblables à des narines de baleines. Tant pis pour l’imprudent qui se trouve trop près. Magnificence de la nuit qui tombe d’un seul coup sur la mer déchaînée! Il faut rentrer et se mettre à l’abri. La cloche du souper vient de sonner. Dans la grande salle à manger, nous ne trouvons que quelques personnes. Ce sont toujours les mêmes, celles qui ne savent pas que, par mauvaise mer, il est de bon ton d’être malade. Aussi la conversation est joyeuse. — Alors, demain, nous y sommes I — Moi pas. Je monte à Hanoï. — Vous descendrez bien à terre. J’en suis à mon troisième séjour. Je suis- installé. Vous dînerez à ia mai son. — C’est promis, et je m’en réjouis ; d’autant que je vous demanderai vos deux boys pour m’aider à faire transborder mes bagages . sur le Claude-Chappe qui doit nous .con duire à Haïphong. , — Je vous donnerai' deux boys, trois, quatre si vous le voulez. Cela ne vous coûtera qu’une bouteille de champagne. - — Ail right ! Un par un, plusieurs soupeurs quittent la table. Cela est normal et cela est correct aussi. Qui sait, peutêtre tout à l’heure notre tour vien dra. On a beau ignorer ce qu’est le mal de mer, il ne faut jamais en rire. Il paraît que c’est très pénible et que cela peut arriver à n’importe qui, même à de vieux habitués de la Mé diterranée et de l’Indien. M. Fourcal, qui vient d’ingurgiter trois énormes tranches de rôti et qui...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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