Extrait du journal

besoin de travailler : les veuves de guerre, les jeunes filles avec des parents à leur charge. — Aussi, je n’ai parlé que des femmes mariées. M’est avis qu’il y aurait quelque chose à faire de ce côté-là chez nous. Et ça aide rait à la repopulation dont nous avons bien besoin. — Mais, Didier, la situation à cet égard est la même à l’étranger. Elle est même pire, puisque le chômage sévit moins en France qu’ailleurs. — Peut-être grâce à nous, les paysans, chez qui les femmes gardent les occupations qu’elles doivent avoir. Louis Degrance, l’adjoint au maire, homme grave et très écouté, le chrétien fervent, était resté jus qu’ici silencieux. La conversation cessa, et tous se tournèrent vers lui, attendant qu’il tirât la leçon des propos tenus. — Mes amis, dit-il, en France comme à l’étranger, la vraie crise est une crise morale, donc reli gieuse. Après la guerre, on a voulu jouir trop et trop vite. Et pour cela il fallait beaucoup gagner, donc vendre beaucoup. On a mis trop d’eau dans ses barriques de vin pour pouvoir tirer double profit d’une cuvée ; on a ajouté des pro duits chimiques au pain pour vendre plus de pain avec moins de blé. Les femmes se sont mises à travailler, et la part du superflu a grandement augmenté dans le budget du ménage. Tout cela, per sonne ne l’a dit à Londres, et c’est pourtant le bon sens. On a apporté de nombreuses statistiques, des rapports volumineux, et. rien n’en est sorti ; car on n’a oublié qu’une chose, c’est que le problème à résoudre est également d’ordre moral. Le Seigneur, certes, multi plia les cinq pains d’orge et les deux poissons, mais il avait cinq mille hommes à nourrir. Et il nourrissait les âmes avec les corps. Aujourd’hui on songe trop aux corps et pas assez aux âmes....