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La Croix, 10 juin 1919

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La Croix
10 juin 1919


Extrait du journal

Dana nos articles et dans nos manchettes nous avons maintes fois déclaré et nous redirons encore souvent que l’apostasie est le grand mal dont souffrent notre pays et la société tout entière, et que leur relève ment ne se fera que par le retour à Dieu et la reconnaissance solennelle de ses droits à l’humanité. Mais il faut reconnaître aussi que la désagrégation politique et sociale de la France a été singulièrement facilitée par la Constitution qui nous régit. Elle est sortie, en 1875, d’un fait anormal en luimême : des monarchistes instituant une République 1 Ils n’ont pas eu évidemment l’intention d’orner de toutes les qualités un régime qu’ils détestaient, ni de lui assu rer une Constitution, défiant par sa force toutes les attaques de ses adversaires. Bien au contraire, ils se sont ingéniés à lui maintenir un caractère provisoire, afin que, le jour où le rétablissement de la monar chie deviendrait possible, on n’eut qu’à souffler sur la Constitution républicaine pour la faire disparaître. Heureux de voir sortir de9 divisions royalistes le régime qu’ils appelaient de leurs vœux, les républicains acceptèrent les lois organiques successives que l’on décora du nom de Constitution, se réservant de les reviser et de le9 perfectionner quand il3 auraient eux-mêmes la majorité. Ils l’ont obtenue en 1876 à la Chambre, en 1879 au Sénat, et ils ont révisé ia Constitution sans la perfectionner. Ils n’ont eu que deux prétentions chimériques : chasser Dieu de. nos institutions, et ils ont supprimé les prières publiques ; proclamer l’éternité de la République et déclarer inconstîtutionnélle toute révision monarchiste. Cela fait, ils n’ont modifié que quelques disposi tions secondaires qu’ils ont, d’ailleurs, aggravées et n’ont rien fait pour mettre de l’ordre et de la méthode dans l’œuvre anar chique de conservateurs de 1875. Aussi quiconque veut travailler sérieuse ment à la réforme de nos mœurs politiques doit commencer par demander la révision de la Constitution. L’ordre ne régnera dans notre gouvernement que si on commence par l’introduire dans les lois qui règlent son fonctionnement. # «s Enfermé à Lille pendant l’occupation ennemie, emmené en captivité en Alle magne, notre directeur, M. Féron-Vraa, a profité des tristes,, loisirs qui .lui étaient ainsi donnés pour méditer sur cette ques tion vitale. Il a étudié les graves défauts de la Constitution de 1875, et les remèdes qui les feraient disparaître ; et il vient de publier les résultats de ses réflexions et ses conclusions dans une brochure qui s’impose à l’examen de tout bon Français soucieux de l’avenir de son pays. Les questions qu’elle soulève sont nom breuses ; quelques-unes pourront susciter des controverses que l’auteur appelle luimême de ses vœux. Nous n’avons pas la prétention d’en donner nous-mêmes une idée complète dans les cadres forcément restreints d’un article. Aussi bien auronsnous l’occasion de revenir sur les différents aspects de cette Réforme urgente et néces saire (tel est le titre de la brochure). Pour le moment, il nous suffira d’en dégager les principales préoccupations. On en a souvent fait la remarque : notre République tyrannise et ne gouverne pas. Depuis qu’elle existe, nous avons vu se suc céder les lois injustes, le3 règlements tracassiers, les mesures persécutrices ; et en même temps, les rouages administratifs, si nombreux et si compliqués fonctionnent mal, et l’anarchie règne dans nos institu tions et dans notre vie politique et sociale. Tous les journaux, à quelque opinion qu’ils appartiennent, s’en plaignent tous les jours, et chacun de nous en a fait souvent la triste expérience. Tout cela provient, re marque M. Féron-Vrau, de l’erreur mons trueuse que l’on a commise lorsqu’on a voulu expulser de notre société et de nos lois Celui qui est la source de toute auto rité et le principe de toute justice : Dieu. Sa méconnaissance a changé l’autorité en tyrannie et soumis à l’injustice et l’anar chie une société qui, ayant rejeté la prière angulaire, ne s’élève plus que sur le sable mouvant de la force matérielle et des pas sions. Aussi, M. Féron-Vrau estime-t-il que la reconnaissance des droits de Dieu est le premier article d’une saine révision de la Constitution, et en cela, il fait écho à la voix quô vient de faire entendre à tous les catholiques de France l’unanimité de l’épis copat. ' . » Inspiré par l’idée de Dieu, le sens de l’autorité et de la justice doit se traduire par de bonnes lois. Aussi est-il nécessaiçe que la Constitution soit conçue de telle manière qu’elle incline vers le bien les législateurs et prenne des mesures les em pêchant de faire le mal. Il faut pour cela qu’elle donne aux gouvernants une con science très nette de leurs responsabilités, et aux gouvernés de sérieuses garanties contre l’arbitraim La Constitution de 1875 a fait exacte ment le contraire. L’irresponsabilité est dans tous les rouages gouvernementaux et administratifs. Pour y remédier, M. Fé ron-Vrau demande que les pouvoirs de chacun soient nettement définis et qu’ils n’empiètent pas les uns sur les autres. C’est ainsi qu’il est amené à étudier successi vement les attributions du président de la République, du Conseil des ministres et de chaque ministère, du Conseil d’Ftat, du Parlement et de chacune des deux assemblées qui le composent. Il n’a pas de peine à montrer que le président de la République n’est qu’un fantôme, et que le pouvoir exécutif a été de plus en plus absorbé par les Chambres qui, au lieu d’exercer un légitime contrôle, ont fini par...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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