Extrait du journal

de Rhodes,‘car telle était l’appellation de cette communauté politique et religieuse, offrait aux chrétiens persécutés un asile toujours sûr et inviolable. Pendant plus de deux siècles, la poignée de moines guerriers qui l’administraient tinrent tête à l’ennemi et s’imposèrent même à son admiration. Leur courage, leur élan étaient tels qu’un historien arabe nous rapporte que les chevaux des musulmans avaient appris à connaître le manteau rouge des religieux, et qu’ils s’enfuyaient à son seul aspect. Quel spectaelé ce devait être que cette troupe admirable chargeant les escadrons turcs, le grandmaître en tête, revêtu de son manteau noir orné de trois croix.de drap d’argent, sur la poitrine, sur le cœur et sur l’épaule gauche, au cri triomphal de : « Saint Jean, Dieu arde !» Ils ne négligèrent rien pour asseoir solidement leur possession. A Villeneuve le Conquérant, succédaient Hélion de Villefosse le Bâtisseur, Aimery d’Amboise, qui léguèrent à notre admiration tant de monuments parfaits. Ces hommes de génie firent de Rhodes une cité d’art et de force qui étonnait le voyageur. Le château de France, le bastion d’Italie, le fort Saint-Nicolas en défendaient les ap proches. Au cœür de la cité chevalière, le palais magistral dressait ses murs imprenables. A côté, la ville proprement dite étendait ses rues populeuses.-Flan quant la ville, la Juiverie, la Juiverie sombre et fermée, attestait par sa seule présence que la règle chrétienne était la meilleure de toutes. Quelles « bonnes af faires » firent les Juifs de Rhodes ! Ils achetaient à vil prix les cargaisons de nefs musulmanes capturées par les che valiers, et Dieu sait s’il en arrivait au port ! C’était là leur métier et leur raison d’être. En secret — car il ne faut pas dédaigner les petits bénéfices, — ils tra hissaient leurs bienfaiteurs contre beaux écus sonnants. Tant et si bien qu’on dut à la longue'se débarrasser d’eux. . On n’attend pas de nous que nous retracions l’histoire de Rhodes durant ses deux sièces d'épopée. Nous nous en tiendrons aux époques de crise où l’hé roïsme s'étale avec splendeur. En 1440,...