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La Croix, 12 octobre 1916

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La Croix
12 octobre 1916


Extrait du journal

Question sociale et question socialiste Question sociale et question socialiste, deux problèmes qui se posent à l’heure ac tuelle avec une redoutable acuité. .Certains esprits les confondent. Nos ré volutionnaires essayent d’entretenir et d'aggiuvpp cette confusion. Pour tant, les deux questions sont essen tiellement distinctes. C’est trop peu dire; elles sont nettement opposées. La question sociale est presque aussi vieille que l’humanité ; dès que les hommes ont été assez nombreux pour former une société, la question sociale est née, parmi eux, du péché originel. Gambetta commettait l’une des deux grandes erreurs de sa vie — l’autre, c’est la déclaration de guerre au cléricalisme — quand il niait l’existence de la question sociale. Il n’y a, distinguait-il, que « des •questions sociales ». Oui, sans doute, il se pore une fouie de questions qu’on peut ap peler sociales ; mais, au-dessus d’elles, et les embrassant toutes, se dresse la question sociale. Pour résoudre celles-là, il faut avoir élucidé celle-ci. Le mal, c’est qu'on no s'entend point sur la définition de la question sociale. Autant d’écoles, autant de formules. Au fond, ramenée à sa racine et tout ensemble à son but» la question sociale, c’est le problème d’une société humaine consti tuée de telle sorte que l’homme y puisse réaliser librement sa destinée. On croit qu’au lendemain de la guerre la question sociale étreindra la France avec une puissance et une violence décuplées. (Test probable. Mais, si l’on voulait sou mettre à cette définition toutes le3 diffi cultés qui pourront surgir, elles seraient bientôt et facilement résolues. Il suffirait qu’on se mît d’accord sur la fin de l’homme. Il est vrai que c’est précisément sur ce point que l’humanité se divise. Et c’est ici qu’intervient la question so cialiste. Parce que nos révolutionnaires ont acca paré ce nom — socialistes, — ils se pré tendent audacieusement les spécialistes de la question sociale. Ils s’arrogent le droit do la considérer comme leur chose. Ils en revendiquent le monopole. C’est, de leur part, une rare impudence ou une étrange illusion. Ils ne sont que les représentants d’une école, entre beaucoup d’autres. Leur force vient de ceci : que, la ques tion sociale se réduisant en dernière ana lyse au problème de la destinée humaine, ils sont les plus nets et les plus résolus logiciens de la doctrine athée, celle qui renferme ici-bas toute la vie de l’homme. À supposer; en effet, que l’âme ne fût pas immortelle, la thèse socialiste est celle qui serait, je ne dis pas la plus sûre, mais au moins la plus séduisante pour l’humanité. Elle débride — en promesses et en théorie, du moins, — toute cette frénésie de jouis sance immédiate et complète, qui serait légitime chez un être destiné à mourir tout entier dans quelques heures. Mais l’âme est immortelle. Et c’est pour quoi, dans son fond, la question socialiste est contradictoire à la question sociale. Elle lui est contradictoire dans son fond. Elle lui est encore plus opposée dans les circonstances où elle s’affirme aujourd’hui. Dans son fond, la question socialiste, tout en reposant sur la plU3 monstrueuse et la plus redoutable erreur — elle supprime le péché originel et l’immortaljté de l’âme 1 — ne manque pas, cependant; d’une cer taine puissance et même d’une certaine grandeur. Elle prétend refondre l’humanité et lui rouvrir un paradis terrestre, fille a, parmi ses théoriciens, des rêveurs et des illuminés, dont on peut respecter les songea et les aspirations. Enfin, dans la mesure où les hommes ont le droit de rechercher les joies de la terre, il lui arrive de rencontrer des solutions partiellement justes et de ré clamer des mesures relativement heureuses. Mais, dans les circonstances où nous la voyons se poser à l'heure actuelle, comme la question socialiste apparait étroite et misérable 1 Entre ce mesquin problème et la .haute question sociale, ce n’est plus seulement une contradiction qui éclate, c’est un abîme qui se. creuse. La question socialiste, en ce moment, ce n'est plus une préoccupation d’humanité, ,p’pst une affaire d§ Earti-...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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