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La Croix, 13 août 1924

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La Croix
13 août 1924


Extrait du journal

Il me faut encombrer une seconde fois les colonnes hospitalières de notre sympathique Croix. Ce n’est pourtant plus l’heure de la littérature ni des discours. Nous n’en avons jamais manque. C’est le moment —. urgent, décisif peut-être — des réalisations pratiques, des activités froidement, raisonnable ment, mais irréductiblement résolues. Toutefois, il est des devoirs d’infor mation, des obligations de gratitude aux quels il est impossible de se dérober. C’est pour les remplir tous en une fois que j’adresse à nos confrères anciens combattants ce rapide communiqué sur la situation de notre secteur familial. * •Et d’abord, saluons la première réa lisation de notre séduisant projet. M:.°e à pied d’œuvre par d’admirables dé vouements avant la publication de mon « appel », la Ligue des droits du reli gieux ancien combattant a déposé ses statuts et l'Officiel du 7 août a révélé sa naissance. C’est à elle que nous faisions allusion en affirmant que déjà des groupement» étaient en formation. ' Nous adressons notre salut ému, cor dial, à notre,grande sœur. Elle part en éclaireur. La Ligue du clergé séculier va suivre avec des effectifs qui s’annoncent im posants. Je ne sais comment traduire, en effet, les sentiments que vient de soulever en moi ce courrier incomparable — inat tendu, à franchement parler — qui, dès le lendemain de l’article publié dans la Croix, accourut à tire d’aile de tous les points de France comme un vol frémis sant de cordiale amitié, de courage ar dent, de patriotique espérance. Je m’excuse, moi, curé de campagne, de parler de la sorte, car je semble s^ns doute aux « sages » et aux « réfléchis » atteint de chauvinisme sacerdotal... Tant pis ! Je laisse échapper mon cri : « Quel admirable clergé est le nôtre !... » Que de puissances d’idéal et que de possibi lités de dévouement demeurent inem ployées sous la soutane.verte, rapiécée, des petits curés de France ! Voici des malheureux à qui on a tout volé, qui reçoivent des « salaires » dont un cocher ne voudrait pas comme pour boire, qui ont fait la guerre... et, sans grève ni chantage, ont repris leur obscur apostolat au milieu de la haine des uns, de la défiance des autres, de l’indiffé rence du plus grand nombre, de l’ingra titude de presque tous ! Et dès qu’on jette à leurs âmes dou loureuses un cri de foi, de fierté, de pa triotisme..., les voici qui se mettent à vibrer comme des lyres et à faire jaillir, à travers la trompeuse enveloppe d’ai greur ou de découragement, des accents qui, de force, arrachent des garnies ! Quelques chiffres : En trois jours — car je n’ai pas la patience suffisante pour attendre davan tage ! — j’ai reçu 343 lettres venues de 62 diocèses ! Tous mes correspondants mériteraient une citation. Cinq « saules pleureurs » sur le nombre, tout en ap prouvant mon « essai », me développent longuement et tristement l’éternel : « A quoi bon ? » que je connais depuis ma naissance. Chez les autres, quelle verve variée, quelle prenante éloquence ! Ecoutez cet exorde : « Je fus soldat de 2* classe, puis caporal de la République française... Ils m’ont tellement fa.it courir à travers les secteurs... que j’ai perdu une jambe... Les embusqués qui veulent parler en maîtres tomberont sur un « bec ». Nous savons maintenant nous défendre... On les aura ! » Vous croyez que cette prose lyonnaise — car il n’y a pas que M. Herriot à Lyon — ne sent pas la bouffarde, la capote et le gourbi ? Voilà un caporal qui devien dra vite chef de section ! * ' En lisant cette autre j’ai senti mes yeux se mouiller : « Je vous remercie de m’avoir donné une joie... Depuis si longtemps je n’ai connu que des dou leurs... Mes deux frères, dont un sémi nariste, sont morts à la guerre, l’aîné à Craonne le 16 avril 1917- et le plus jeune à Verdun le 3 juin 1916. Âlon père est mort de peine et ma mère aussi dans mon pauvre presbytère le mois dernier... Et vous êtes venu jeter votre cri d’espoir... Ah ! on vous suivra !... » Et au bas de la signature de cet obscur martyr de l’Yonne j’ai lu : « Sergent mitrailleur au 48* R. L, médaille mili taire, trois citations, blessé deux fois... » Un autre — de la Vienne , — me confie.: « uuanct j’ai vu tomber mes trois frères à la guerre... Quand je suis allé récemment prier sur la tombe du dernier tué, près de Lorette, j’ai fait le serment de travailler de toutes mes forces pour que ces morts ne soient pas inutiles. J’ai fait ce serment, je le tiendrai. » Et celui-ci m’écrit, en s’excusant, de la main gauche... Il a « semé », me dit-ü, ! son bras droit aux Eparges !... j Un petit médaillé militaire de l’Ain ' brosse toute son âme en cette formule lapidaire : « S’il faut de l’argent, j’en donne ; s’il faut du travail, j’en donne ; s’il faut ma vie, je la donne. » Et ces héros vous signent une telle lettre : « Votre humble camarade et confrère. » Taisez-vous, Monsieur le curé, j’ai honte ! Et je suis effravé d’être le con...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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