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La Croix, 13 novembre 1912

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La Croix
13 novembre 1912


Extrait du journal

Un économiste des plus et des mieux documentés, vient de publier la 6* édi tion d’un livre intitulé : Les Embarras de l’Allemagne. Pareil sujet ne peut — pourquoi le dissimuler ? — qu’attirer l’attention satisfaite des Français, de même que la vue directe des embarras de la Turquie ne pouvait que réconforter les Bulgares, les Serbes, .les Grecs et les Monténégrins. Ce livre n’attise d’ail leurs aucune passion malsaine et ne provoque aucune illusion dangereuse. L’auteur, M. Georges Blondel, est peutêtre — je devrais dire certainement — l’homme de France qui a le plus étudié l’Allemagne,. qui en a suivi les progrès avec le plus d’exactitude et de minutie, qui s’est même appliqué le plus obstiné ment à nous faire mesurer l’étendue comme à nous expliquer les causes de ses succès économiques, industriels et commerciaux. Jamais il n’a manqué aucune occasion de stimuler chez nous l’esprit d’entreprise et l’amour du tra vail pratique en nous mettant sous les yeux tout ce que de pareilles qualités, patiemment organisées, valaient de forces et de richesses nouvelles, à nos rivaux. Plus d’une fois même, j’en suis sûr, nombre de ses auditeurs et de ses lecteurs ont dû trouver qu’il mettait une complaisance... chagrinante à exalter l’esprit germanique au delà de ce qu’ils eussent désiré. M. Georges Blondel est donc un juge dont nul ne peut ignorer la compétence et que personne ne peut récuser comme égaré par l’amour-propre national. Eh bien ! voici que — même avant les prodigieux mécomptes de la guerre bal kanique — M. G. Blondel se voyait obligé de suivre pas à pas en Allemagne des sé ries de difficultés croissantes : difficultés provenant d’un© Constitution désormais mal adaptée aux exigences des popula tions, — difficultés créées par la division des partis et par l’impossibilité où est chacun d’eux de s’assurer une certaine hégémonie, — difficultés nées d’un esprit d’entreprise qui, ne'üisposant pas 'encore* dé capitaux proportionnés à ses propres engagement, peut, à un moment donné, s© voir à la merci de la finance étrangère, — difficultés dans le souci d’accorder les exigences respectives de l’agriculture et des l’industrie et ' d’empêcher entre l’une et l’autre la rupture d’un équilibre à tous les points de vue nécessaire, — difficultés soulevées par l’admirable ré sistance des Alsaciens-Lorrains, des Po lonais et des Danois du Sleswig, — difficultés dans les efforts tardifs faits en vue de calmer l’hostilité de l’Angle terre, après l’avoir provoquée par cette parole imprudente, équivalent d’une dé claration de guerre à terme : « Notre empire est sur mer. » Voilà déjà bien des difficultés ; mais il en est une qui les aggrave toutes,'c’est la difficulté qu’éprouve l’Allemagne à arrêter un mouvement de recul très pro noncé dans la moralité nationale : la statistique des attentats aux moeurs, des escroqueries et des faux, des suicides, et celle .de 'la culpabilité juvénile sont là pour le prouver. Les produits allemands peuvent faire encore d’énormes progrès: les houilles allemandes, les fers alle mands, l’électricité allemande, la chimie allemande montent toujours ; mais' la civilisation allemande est en baisse parce que la vie simple de la campagne, la vie de famille et la culture désin téressée des choses de l’esprit ne font plus un suffisant contrepoids à l’orgueil tudesque. Or, il y a là un mal plus radical que tous les autres, qui pourrait bçen être pour l’organisation tout entière le plus dangereux de tous. | Cette esquisse des embarras d’autrui doit avertir notre vigilance en lui ren dant plus de confiance qu’elle n’en a eu jusqu’ici ; il ne faut pas qu’elle l’en dorme. Aujourd’hui, quel est le peuple, quel est le gouvernement qui' n’est pas embarrassé ? Inutile de parler de l’Autriche et des querelles légendaires de ses nationalités qui ne. peuvent ni se libérer, ni s’unifier, ni même se fédérer correctement. La Russie est embarrassée entre les sollicitations de sa politique orientale eh celles de sa politique occidentale, entre le parlementarisme et le tsarisme, entre un vif besoin de prospérité intérieure et un désir non moins vif de né point trahir les espérances séculaires des peuples slaves. L’Angleterre, avec ses immenses pos sessions, a toujours eu des difficultés. Mais elle en venait toujours à bout parce qu’elle avait une aristocratie' instruite, intelligente, éprise avant tout de la grandeur du pays, fortement tradition nelle et suffisamment ouverte, sachant faire accepter ses volontés au dehors et céder lentement, mais toujours à propos, aux nouveaux besoins de l’intérieur. De puis peu, des classes jusque-là con fiantes et dociles, disputent — pour ne pas dire arrachent — le pouvoir à cette élite éprouvée, et les intérêts divergents de groupes nouveaux menacent d’af faiblir gravement le sentiment de l’unité britannique. On a calculé que la der nière grève’ des houilleurs avait fait perdre au pays plus de trois cent soixante-quinze millions, et l’on craint que l’avenir ne réserve au Royaume-...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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