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La Croix, 15 février 1889

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La Croix
15 février 1889


Extrait du journal

Le combat fut ainsi réglé : les adversaires si battraient au pistolet « chargé »; trois balles seraient échangées à la distance de dix mètres, aveo faculté de faire deux pas en avant après chaque coup. Comme on voit, les témoins avaient bien fait les choses, et l’una des. partie» devait sûrement périr, sinon toutes deux. Arrivés sur le terrain, nos braves gentilshom mes se mettent en position. Celui, que le sort avait désigné pour tirer le premier, pris de peur, tire au hasard, dans la direction des témoins dont l’un est légèrement blessé. Au même Instant, il tourne casaque et s'apirête & s’enfuir. Son adversaire aveo sang-froid, jraquant son arme sur le fuyard, lui envoie deux balles dans la partie la plus charnue. Son honneur était lavé, et il a spontanément embrassé son adversaire blessé... sur le terrain. DIEU ET_PATRIE Nous avons donné aux dernières nouvelles, hier, une courte analyse du beau discours de Mgr Freppel à la Madeleine pour les blessés militaire. Nous donnons aujourd’hui deux passages de ce remarquable discours. Ah I si l’Europe chrétienne n'avait pas assisté, avec la légèreté d’un égoïsme imprévoyant, au démembrement de la France catholique ; si l’Al lemagne, dont aucun autre intérêt ne nous sé pare, pouvait comprendre que la possession pré caire de deux provinces violemment arrachées à la mère-patrie ne saurait être pour elle qu’une cause d'affaiblissement; si elle pouvait oublier la détestable maiime de Frédéric II : « Le royaume des deux se gagne par la douceur, ceux de ce monde appartiennent à la force » ; si ce sujet de discorde entre deux nations faites pour s’entendre venait à disparaître de la surface du monde mo derne : je ne dis pas que la paix universelle serait assurée pour toujours; mais, à l’instant même, nous cesserions d’offrir les uns et les autres ce triste spectacle d'armements à outrance qui sont une ignominie pour la civilisation chré tienne ; les Etats allégeraient les charges de ces populations des campagnes et de ces ouvriers Ses villes, qui ne sont pas faits pour servir de victimes à de coupables convoitises ; les familles verraient rentrer dans leurs foyers la plus grande partie de ces jeunes hommes détournés de leur vie normale par l’apprentissage de l'homicide en grand; des traités de paix et d’amitié entre les peuples de la vieille Europe leur permettraient d’envisager sans crainte l’avenir menaçant que leur préparent d'innombrables races nées d’hier à la vie commerciale et industrielle. Au lieu de s’entretuer sur ce petit coin de terre, on irait, au-delà des mers, initier à la justiee et à la vérité, au progrès matériel et moral, ces peuples attardés qui ont le droit de demander à leurs aînés la rédemption du Christ et les bienfaits de l’Evangile. Toutes ces œuvres se feraient, si l'idée d’une guerre d’extermination n’arrêtait pas toute initiative féconde; et le dix-neuvième siècle se terminerait sur l’une des pages les plus grandes et les plus belles du genre humain... Et vous, nobles victimes de nos luttes pour l’honneur et l’indépendance du pays, recevez, dans nos prières, le dernier tribut de notre admiration et de notre reconnaissance. Vous étiez sortis du milieu de nous, la fleur de nos campagnes, l’orgueil de nos cités. Vous aviez quitté sans faiblesse le village natal, le toit pa ternel, les lieux.témoins de vetre enfance, ces lieux si chers à tout cœur bien né, ces lieux que beaucoup d’entre vous ne devaient plus revoir. Vous aviez quitté ccs lieux, emportant avec vous les bénédictions de votre père et de, votre mère, les vœux de vos frères et de vos sœurs; et vous étiez allés là où Dieu et la patrie vous appelaient, ià où vous attendaient la souf france et la mort. Sous les murs de Sébastopol comme dans les plaines d’Italie, en France ou au-delà des mers, vous n’avez cessé d’être grands dans la défaite non moins que dans la victoire ; partout, vous avez montré ce que peut le soldat français quand la patrie le regarde et que Dieu le soutient. Ah ! sans doute vos sacri fices n'ont pas toujours été couronnés de succès: et, malgré votre vaillance, le drapeau national reste couvert d'un crêpe funèbre que nous n’avons pu encore écarter. De temps à autre. On se plaît à nous rappeler des humiliations passagères, et l’on voudrait faire accroire à d’irrémédiables déchéances. Mais non, 0 France, patrie bien-aimée, pas plus que Wateribo, Sedan n’a pu marquer le terme de tes grandeurs. Relève ton front, noble pays ; aie confiance dans ta vocation divine; non, tu n’as pas achevé ta mission ; car, en disparaissant, tu laisserais un vide que. soulfi, la toute-puissance divine serait capable de combler. Si des jours d’oubli ont pu • appeler le châtiment, dos siècles .de dévoue ment au Christ et à l’Eglise méritent le pardon. Tu reprendras le cours de tes destinées glorieuses, tu resteras au milieu du monde lé soldat de la Providence, l’apôtre armé d« la foi et de la civi lisation chrétienne. Comme par le passé, tout ce qui est petit, tout ce qui est faible, tout ce qui se sent opprimé dans l’univers entier se tournera vers toi pour chercher sur tes lèvres le mot de la délivrance.- Tu retrouveras ces grands jours de ton histoire où ton épée servait de rempart à ce,qu’il y'a de plus vénérable et de plus sacré sur la!terre, l'épée de Clovis, de Charlemagne, de Godefroy dé bouillon, de saint Louis, de Jeanne d’Arc. Tes souffrances n'auront servi qu’à te rendre plus chère encore à tes enfants. Ah i puissent-ils oublier leurs querelles intestines et se serrer plus étroitement que jamais autour de leur mère, ppur n'avoir désormais sur leurs lèvres et dans leur cœur que ces deux mots, où tout se résume dans une même foi et. dans une commune espérance : Dieu et la patrie l Ainsi soit-il. ....

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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