Extrait du journal

car son cœur en eût saigné — qu’il empor tait vers Bordeaux, vers l’inconnu, Robert de Rivemont dont l’âme coupable acceptait le sacrifice par la réparation. Sur le quai, Louis Dérouville regardait fuir le bateau voyageur, avec tristesse et le cœur endolori. Jusqu’au bout, il avait accompli la sainte promesse. Et s’étant engagé pour elle à le sauver, il l’avait conduit, par la main, vers la dernière étape du salut. Tout à l’heure, à la villa Nadia, Robert, à genoux devant son père adoptif, avait fait l’humble aveu de sa faute. Et le comte, ac ceptant le repentir, s’était redressé, tout fier de son autre fils retrouvé : — Va, mon enfant! Je te pardonne, main tenant. Va là-bas, sur ces terres étrangères, vers ces brousses lointaines où les Français peuvent, à toute heure, verser leur sang pour la gloire de la patrie. Rivemont devait s'embarquer, trois jours après, pour le Congo, enrôlé dans une com pagnie de hardis explorateurs qui s’en allaient travailler « pour la plus grande France I » Et, sublime dans son désintéressement, désireux d’aimer— comme toujours — dans le silence et l’oubli, l’ingénieur lui 'avait dit en le quittant : — Vous reviendrez un jour, digne d'elle; son cœur n’a pas changé. C’est vous qui êtes toujours aimé! Lorsque Paulette rentra, suivis de son amie, Jean, qui l'attendait, lui dit un mot tout bas-...