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La Croix, 25 mai 1919

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La Croix
25 mai 1919


Extrait du journal

« Je ne crois qu'à ce que je vois !.. » Ce fut le mot d’ordre de tous les pri maires solennels du siècle dernier. Les raisons sentimentales... ? «les preuves du cœur..? les impondérables..? Allons donc !.. Où est mon brevet supé rieur.. ? mon baccalauréat. ? ma li cence.. ? Et on martelait la phrase pour la rendre plus pesante, plus écrasante : « Je ne crois qu’à ce que je vois !.. » Eh bien ! cher Monsieur, vous pou vez voir ceci : Il y a bientôt deux mille ans — ce qui constitue déjà un certain chiffre, — le Christ, au soir def sa vie mortelle, eut comme la tristesse de nous quitter. Alors il chercha un moyen de rester présent au milieu des hommes, et de s’unir à eux. Comme il n’y a pas d’union plus intime que celle de la nourriture avec le corps, il se fit nourriture. Il prit du pain, le bénit, le donna à ses apôtres en disant : «, Prenez et mangez, ceci est mon corps. » Puis il prit la coupe où il y avait du vin, il la bénit : «. Ceci est mon sang... » Ce fait n’est nié par aucun historien, fût-il le plus sombrement enragé des sectaires. Il est aussi certain que n’im porte quel traité ou n’importe quelle bataille de l’antiquité, % « Faites ceci en mémoire de moi » avait conclu le Christ. Les apôtres obéirent, et l’envol de l’Hostie commença. Des lèvres des apôtres, elle passa aux lèvres des disciples, puis aux lèvres des premiers chrétiens. Et aussitôt se produit une chose curieuse. Les anciens avaient accueilli bénévo lement tous les dogmes. Athènes était peuplée de temples consacrés aux dieux les plus divers, même au « dieu in connu ». Rome était plus libérale encore, et le plus épais des gladiateurs avait une cha pelle, où en toute sécurité il pouvait implorer, d’un sous-Mars quelconque, la chance de ne pas être trop vite égorgé. Or, fait inexplicable, la petite Hostie blanche fit tout de suite peur. On raconta sur elle les histoires les plus fantastiques, et on lui interdit de passer. Elle passa quand même. Pour se venger, les Césars tout-puis sants déchaînèrent la plus sauvage per sécution. Pendant trois siècles, ils firent un barrage de fer et de sang à la frontière de Judée... L’Hostie passa. ... A la frontière grecque... L’Hostie passa. ... A la frontière romaine gardée par les redoutables légions... L’Hostie passa. . Rome, si puissante pourtant, en fut réduite à .espérer en la fourberie sa vante d’un Julien l’Apostat. Ce fut inu tile, l’Hostie passa. Elle parvint jusqu’aux lèvres de nos premiers ancêtres : « Baisse la télé, fier Sicambre... » Et Clovis reçut la petite Hostie en sa farouche poitrine. La bataille avait été longue et géante, pourtant l’emvol de l’Hostie ne faisiail que commencer. De la Gaule, elle alla dans toute l’Eu rope, tantôt portée en triomphe dans de superbes cathédrales bâties pour elle... tantôt niée, persécutée, mais s’imposant quand même avec tous les remous, toutes les alternatives des grandes ba tailles. Et ainsi, de siècle en siècle, jusqu’à nos jours. Il y eut alors une recrudescence de rage. Un Voltaire vomit des injures d’enfer ; la Révolution trépigna de haine, elle désaffecta les temples, noya les prêtres, vola tous les objets du culte. C’était fini, fini ! Mais quand cette Révolution eut guillotiné son dernier chef, la petite Hostie reparut vivante, vibrante dans un décor de gloire devant le jeune César des temps nouveaux... « Baisse la télé, fier Sicambre... » Là encore, elle avait p^ssé ! & L’accalmie fut de courte durée. La haine guettait toujours, cherchant une nouvelle formule. Cette fois, ce fut au nom de la science et du progrès qu’elle attaqua l’Hostie ; elle fit le rêve de l’écraser sous une montagne de découvertes, de cornues, de livres et de dictionnaires. Toutes les académies vinrent y apporter leur tribut. Mais quand le bloc indigeste et boche parut à point, très simplement, l’Hostie passa. Elle vint se posqh sur les lèvres d’un savant comme Pasteur qui la reçut en disant : « J’ai la foi comme un paysan breton... dans dix ans, j’aurai la foi comme une paysanne bretonne. » » . Sans se décourager, la haine chercha autre chose. Mais quoi.. ? On avait tout essayé. Quelqu’un proposa d’attaquer l’Hostie au nom sacré de la liberté. L’idée fit frissonner d’espoir. On prodigua l’argent comme jamais il n’avait été prodigué ; on créa des lois spéciales, dites intangibles, pour creu ser un infranchissable fossé entre l’Hostie et la jeunesse; on bâtit des édi tées en quantité innombrable. . ^...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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