Extrait du journal

H y a la solidarité qu’on prêche, et il y » la solidarité qui existe. Et il est même curieux, à ce propos, de voir des philo sophes soutenir des thèses qui peuvent se résumer dans cette formule bizarre ; « La solidarité existe; donc, elle doit exister. » M. de la Palisse n’aurait pas pris cette peine. En fait, n’impsrte qui influe sur n importe quoi: l’attraction d’une étoile in visible sur le temps qu’il fera demain, et la longueur du nez de Cléopâtre sur le ré sultat de la bataille d’Actium. L’action de sauver la vie à quelqu’un est solidaire de quelque chose, et l’action de l’assassiner est solidaire de quelque autre. Dire qu’il faut de la solidarité dans le monde, c’est dire qu’il faut des gouttes d’eau dans la mer, et nous savon» qu’elles y sont déjà. Maintenant, si l’on parle d’une certaine espèce de solidarité, c’est comme si l’on di sait que les gouttes d’eau de la mer doi vent être arrangées d’une certaine manière et non pas d’une autre. Or; il y aurait une infinité de manières d’arranger les gouttes d’eau dans la mer, et, s’il s’agit de savoir quelle est la bonne, cela ne se peut qu’au moyen d’un principe absolu, supérieur à toute solidarité. Les manifestations de solidarité peuvent donc s’adapter aqx intentions te* plus di verses. Toujours est-il que, dans tous’ les cas, elles ont des résultats effectifs, des répercussions, et ces répercussions ne sont pas toujours celles que l’on rêvait. Toute une industrie se met en grève à cause d’un seul atelier où les camarades sont mécontents ; cela fait plaisir aux ca marades de cet atelier, mais cela peut gêner et appauvrir les camarades de vingt industries différentes. Une grève de char retiers, par exemple, paralyse toutes les industries, dont les produits sont trans portés sur des charrettes. Et voilà une forme peu agréable de la solidarité. - Ceux qui disent d’une chose : « Elle ne m’intéresse pas », ne réfléchissent pas uiujours assez profondément sur la portée de cette chose. Tout nous intéresse, sans que nous nous en doutions. ' Vous ne fumez pas, et vous passez de vant un bureau de tabac devant lequel l’on fait la queue. « Voilà au moins, ditesvous, quelque chose dont je n’ai pas à souffrir. » Et de même, si vous n’allez ni...