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La Croix, 27 octobre 1914

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La Croix
27 octobre 1914


Extrait du journal

Monsieur le Ministre, C’est avec toute l’attention que mérite la question et avec- toute la sympathie que nous devons au travailleur infatigable qui a accepté, en cette heure grave et difficile, de diriger nos affaires militaires en accord aveo le généralissime de l’armée française, que nous avons lu votre nouvelle circu laire. De la partie relative aux distributions de médailles, nous vous avons déjà loué. Des interprétations inacceptables en avaient été faites en des milieux où l’on n’a pas assez oublié le passé. On avait enlevé les médailles portées par des soldats. On avait empêché de leur en donner quand ils en demandaient. Abus évidents qu’il fallait ar rêter. Aujourd’hui, laissez-nous, avec tous égards et en toute modération, vous pré senter, sur la première partie du document relative aux services du culte dans les hô pitaux temporaires, de notables observa tions. Votre texte contient un principe que vous posez, une application que vous en faites et une décision que vous prenez. Le principe que vous posez est celui-ci : Tout en respectant d’une manière absolue la liberté de conscience de chaque militaire hospi talisé et en lui laissant la faculté la plus en tière de faire individuellement appel aux secours de sa religion, l’autorité militaire doit soigneuse ment s’abstenir de se prêter à tout acte ou à toute manifestation de nature à porter atteinte au principe de neutralité de l'Etat en matière confessionnelle. Certes, nous regrettons que notre pays, qui donne en ce moment un si bel exemple d’union patriotique, ne jouisse pas de l’unité complète des esprits dans l’unique vérité. Mais cette division est un fait. Nous la con statons comme vous, nous souffrons de la situation faite par suite aux gouvernants modernes, mais nous ne nous opposons pas à la liberté donnée aux autres (les gouver nements catholiques, l’expérience le prouve, consentent à la donner eux aussi), c’est pourquoi nous demandons que notre liberté à nous soit également vraie. Voilà pour le principe. Venons maintenant à l’application que vous en faites. Les formations sanitaires hospitalisent des mi litaires appartenant à des religions très diverses, et toute organisation de cérémonie collective d’un culte déterminé en dehors des lieux régu lièrement ouverts à d’exercice de ce culte risque trop aisément de se transformer en acte de pres sion sur les militaires appartenant à d’autres cultes. Et vous concluez : Vous voudrez donc bien veiller à ce que, con formément à ma circulaire du 1" octobre, au cune cérémonie religieuse ne soit célébrée dans les établissements hospitaliers militaires que lorsqu’ils possèdent une chapelle régulièrement affectée au culte. Il n’est pas besoin de spécifier que ces prescriptions doivent être également observées dans tous les autres établissements militaires et notamment dans ceux utilisés comme dépôts de prisonniers. Permettez-nous, Monsieur le Ministre, respectueusement, et en vous suppliant d’observer que nous parlons ici sans ma lice et sans arrière-pensée — la question est trop grave pour cela, — de vous prier de constater vous-même que, suivant la formule philosophique, la conclusion ne découle pas des prémisses. Ah! si on célébrait la messe dans la salle même où il peut y avoir des juifs, des protestants, des mahométans, des in croyants, nous vous comprendrions. Nous vous comprendrions aussi si on exerçait je ne sais quelle ooaction pour y entraîner les soldats malgré eux. Mais voyons... il y a dans les centres importants des organisa tions sanitaires où l’on recueille des cen taines, des milliers de malades, dans de vastes locaux. Que dans une salle on puisse le dimanche matin trouver un autel devant lequel viendront prier Ceux qui voudront, quelle pression, quelle atteinte à la liberté y a-t-il là ? Pourquoi cette présence d’un autel dans un hôpital temporaire seraitelle plus contraire à la liberté de con science que l’existence d’une chapelle dans les hôpitaux militaires proprement dits ? Il n’y a là, dans un cas comme dans l’autre, qu’un service rendu à ces braves qui, après avoir versé leur sang pour la patrie, ai ment à venir, dans la prière, chercher le meilleur de tous les réconfortai...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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