Extrait du journal

Bourges, le 13 juin 1891. Les joueurs de bonneteau n’opè rent que sur les places publiques. Le prince de Galles va à domicile, de château en château, propose à <( l’ho norable société une petite partie ». Est-il assez tin de siècle, cet aspirant monarque qui, en fait de tètes couron nées. fréquente de préférence celles qui figurent sur les petits cartons de couleur à l’effigie de David et autres rois estampillés par la régie. C’est une façon qui lui est particu lière de se préparer à la royauté de la Grande-Bretagne et à l’empire des Indes. Est-il bien sûr, cependant, que ce prince succède à sa mère 1 Est-il bien sûr que l’Angleterre ne soit pas con duite tout doucement à la République, aidée dans cette évolution par le man que de respectabilité de son futur souverain ? Il se pourrait bien que les libéraux anglais, que la population bourgeoise et ouvrière, que les petites gens en un mot, les plus nombreux, et, là-bas comme à peu près partout, les plus effarouchables en matière de morale, se soucient fort peu, à la mort de leur reine, de payer cher une cou ronne pour le plaisir de la voir sur la tête d’un si joyeux viveur. Ils auront évidemment contre eux toute l’aristocratie, les conservateurs, les opulents, les gens religieux. Phé nomène intéressant qui se retrouve dans tous les pays, et dont nous avons eu en France des apparitions si fréquentes et si suggestives. Phénomène qui consiste en ce que les gens qui traitent les autres de destructeurs de la famille, des bonnes mœurs et de l’ordre social, ont une tendance à prendre pour chefs et pour guides des personnages qui passe raient pour les derniers des tarés s’ils étaient de vulgaires citoyens. Napoléon III, jusqu’au moment où le coup d’Etat lui permit de remplir ses poches, avait été le bohème peu scrupuleux que l’histoire connaît. Tout le monde était au courant de son passé misérable, si bien que les républicains de 1848 étaient absolu ment convaincus que jamais per sonne n’aurait l’audace de songer à livrer la France à ce rastaquouôre hollandais. Eh bien, conformément à la règle que nous énonçons plus haut,...