Extrait du journal

Bourges, le 18 mars 1891. Le prince Napoléon, le chef poli tique de la famille, l’héritier dynas tique du premier et du second Empire, est mort hier soir à Rome, dans un hôtel meublé, non loin du palais du roi d’Italie, son beau-frère. 11 est mort avec la constance d’un philosophe, sinon avec la sérénité. Quoi qu’en disent les cléricaux, le prince, à son dernier soupir, du suprême effort de son énergie, a dû se dresser sur son chevet et, d’une voix éteinte, déjouer l’odieux complot des prêtres et des femmes qui se tramait dans le silence de son agonie. On assure, déclare un télé gramme de l’agence Havas, que, d’après les déclarations de certaines personnes de son entourage, le prince avait, au moment oii il reçut l’extrêmeonction, et malgré Y état comateux où il était plongé, une connaissance suffi sante de la cérémonie religieuse ». Est-ce assez complet ? Cette comédie d’hypocrisie que VEglise a mendiée et dont elle se fait un honneur dérisoire, révolte, écœure la conscience. On ne connaît pas de flétrissure assez énergique pour le châtiment d'une telle ignominie. Maintenant parlons du défunt. 11 avait un nom lourd à porter. Il pou vait, à la rigueur, se poser en chef de parti, mais alors il lui eut fallu mettre dans sa vie un esprit de suite qui eut frappé la multitude et une dignité qui en eut imposé. L’esprit de suite dans les idées, la fidélité aux convictions ne furent pas les qualités dominantes du prince. 11 ne sut ni se faire aimer, ni se faire craindre, ni se faire estimer. Montagnard en 1850 et résolument opposé au coup d’État, il accepte du coup d’Etat des titres et une dotation ; il n’a pas assez de caractère pour refuser les présents du cousin, qui rit sous cape de la rapidité de sa ré signation aux faits accomplis. De fa rouche décemvirât qu’il était la veille, le voilà devenu prince d’Empire. Il est vrai qu’il sera un mécontent et qu’il fera à l’Empire une opposition qui ne prendra pas meme la peine de se cacher. Mais l’opinion publique ne...