Extrait du journal

M. Edouard Lockroy a signalé à la Chambre une circonstance particulière ment douloureuse de la catastrophe qui s’est produite à bord du cuirasse Y Ami ral Baudin : les hommes les plus grièvement blessés ont été les hommes aux fers. Nous croyons qu’il est nécessaire d’entrer ici dans quelques détails. L'Amiral Baudin faisait route pour Jaffa, à 11 nœuds 5 de vitesse, avec trois chaufferies allumées, quand s’est produite la rupture de la boite du peetvalve faisant communiquer le sécheur de la chaufferie tribord-avant avec le collecteur de vapeur des machines auxi liaires. Il était neuf heures du soir. Après quelques instants d’une véritable panique, on isola ce collecteur des deux autres chaufferies ; mais celle de tri bord avant était inabordable, car la vapeur des trois chaudières filait par le peet valve. Ce n’est qu’au bout d’un quart d’heure que l’on a pu atteindre la porte de la chaufferie qui était à toucher le peet-valve. Pendant ce temps, la vapeur avait envahi trois compartiments du faux pont des machines auxiliaires. Sur les dix hommes de la chaufferie avant, deux ont été tués sur le coup, et les huit autres plus ou moins brûlés. Des hommes attachés Enfin, la vapeur brûlante se répan dit jusque dans le compartiment de la tourelle avant, où se trouvaient les hommes aux fers. « Ces malheureux étaient tous attachés à la barre de justice par des anneaux en fer qui leur prenaient le bas des jambes, audessus de la cheville. Et comme ces anneaux de fer sont eux-mêmes rete nus à la barre par des cadenas, dont les clés sont entre les mains du capitaine d’armes, pas un des hommes attachés ne put se sauver. » Tous leurs efforts pour se détacher restèrent impuis sants 1 Six des hommes ainsi soudés à la barre de justice furent affreusement brûlés, dont deux sont morts depuis à Vhôpital du Pirée. Empressons nous de dire que la sen tinelle qui les gardait et le caporal d’ar mes ont fait les plus courageux efforts pour les arracher au danger, c’est-àdire pour ouvrir les cadenas : euxmêmes furent brûlés très grièvement en accomplissant ce sauvetage. Rappel à l’humanité Eh bien, nous le demandons, est-ce qu’il n’y a pas dans cet incident quel que chose de particulièrement odieux, quelque chose qui va directement contre les lois les plus sacrées de l’humanité ? Et ne serait-il pas temps de renoncer à des pratiques aussi barbares, legs d’un passé à jamais disparu? Quoi qu’on dise, la peine des fers est une peine corporelle. Or, les châtiments corporels sont abolis depuis longtemps dans l’armée française. Pourquoi la marine seule, les conserverait-t-elle. Dans l’armée, les hommes punis de salle de police ou de prison ont les...