Extrait du journal
Des deux grands débats qui chevauchaient devant les Assemblées parlementaires, l'un est terminé, celui de la politique extérieure. L’autre concernant la conciliation et l’arbitrage en matière de conflits sociaux aura vraisemblablement trouvé sa solution quand ces lignes paraîtront. C’est par le vote massif — 439 voix contre 2 — d’un ordre du jour de confiance au Gouvernement « peur sauvegarder la dignité nationale et pour assurer le maintien de la paix et le respect des traités dans le cadre de la sécurité collective et de la Société des Nations » que la Chambre a clos le pathétique débat de politique extérieure qui a tenu l'opinion mondiale en suspens pendant quarante-huit heures. On ne pouvait mieux espérer. Nous ne reviendrons pas sur le détail de cette passionnante discus sion. au cours de laquelle les principales vedettes du Palais-Bourbon ont exercé leur virtuosité de parole. Le duel oratoire Flandin-Reynaud, l’intervention de M. Léon Blum, les discours décisifs de MM. Yvon Delbos et Camille Chautemps ont mis les choses et les faits en pleine lumière, ce qui ne veut pas dire que tout est terminé. Mais enfin, nous y revoyons un peu plus clair et, comme l’a déclaré M. Paul Reynaud, au début de son explication : « Si l’Allemagne — qui nous observe — a pu espérer qu’il sortirait de ce débat un renversement de notre politique, et une volonté d’abdication de la France, elle peut constater qu'elle s’est trompée ». La France ne démissionne pas et n'abandonne pas ses alliés, quels qu’ils soient, de même qu’elle n’a pas perdu sa foi dans les principes de sécurité collective, ni dans les possi bilités d'avenir de la Société des Nations. Elle ne se refuse pas de causer même avec des antagonistes, si la paix doit en être sauvegardée, mais elle n’est pas décidée, en dépit de la « faiblesse » que certains lui prêtent un peu trop obligeamment, à subir la moindre humiliation. La France est-elle faible d’abord ? « Pendant la guerre — a précisé M. Paul Reynaud — notre pays a ravitaillé en maté riel et munitions les Belges, les Serbes, les Helléniques, et reçu une immense armée américaine qui a usé de notre matériel. Partis avec 3.000 canons, nous en avons fabriqué 36.000; partis avec 130 avions, nous en avons fabriqué 35.000; partis sans char d’assaut, nous en avons fabriqué 3.000. Voilà ce que la France peut faire quand elle veut ! » Par ailleurs, M. Camille Chautemps a prononcé l’un de ses meilleurs discours. Il s’est défendu de manquer d’esprit de décision et d’ < orgueil », mais il a rejeté la doctrine de repliement, et celle d’interventionnisme et d’activité des « Polyeucte » du patriotisme, et il a cru devoir « avertir le pays des périls qu’une telle politique ferait courir à la paix ». II. Camille Chautemps ne veut pas de « blocs antagonistes », il continué à placer le pacte franco-soviétique parmi les éléments de la paix euro péenne et, sans compromettre l’amitié franco-britannique, il entend lester fidèle à la politique traditionnelle de la République. Et il a terminé par un chaleureux appel au patriotisme de tous les citoyens pour concourir à la défense de la patrie « souhaitant ardem ment que, partout, dans tous les domaines, les Français, se persuadent que nous entrons dans une période d’énergie où la volonté de produire, le travail, la discipline, la concorde, seront des lois civiques qui ne pour ront plus subir de défaillances. Si cet appel est entendu, si l’on fait trêve aux querelles qui opposent chaque jour l’esprit de revendication à l’esprit de résistance, la République, apportant la plus noble et la plus décisive réponse à ses détracteurs, triomphera non par la guerre, mais dans la paix, des obstacles qui se dressent devant son destin ». Voilà un noble et réconfortant langage qui nous console de tant de mièvreries et hâbleries déconcertantes. La France peut poursuivre sa mission civilisatrice et pacifique, dans le monde, si chacun veut et sait faire son devoir....
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
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