Extrait du journal

Deux anciens Présidents du Conseil viennent de rompre le silence. Le premier, M. Camille Chautemps, a prononcé un discours en Sologne, pour expliquer, tant bien que mal, les raisons d’un départ que beaucoup n’ont pas encore ni compris, ni admis. Le second, M. Pierre Laval, qui s'agite depuis quelque temps, a complété son intervention à la Commis sion des Affaires étrangères du Sénat dans une interview à la British United Press, sur la situation internationale et les chances de sauve garder la paix. M. Camille Chautemps a fait effort pour expliquer qu’en se retirant il avait visé à rendre possible et nécessaire l’union de tous les Français. A tort ou à raison, beaucoup penseront que son départ inopportun a eu surtout pour résultat de les diviser un peu plus ; mais là n’est plus la question. Ce qu’il faut, maintenant, c'est éviter le moindre dommage. Or, la situation extérieure est toujours aussi critique, soit qu’il s'agisse des événements qui viennent de se dérouler en Europe centrale, soit qu'il s’agisse de l’intervention en Espagne, à laquelle poussent réso lument les communistes. Et M. Pierre Laval de déclarer : « M. Cham berlain a raison de refuser d’intervenir en Espagne, comme il a raison de vouloir établir de bonnes relations avec l’Italie. Je crois fermement que la paix peut être encore sauvée. Il faut que nos nations puissent enfin se rejoindre pour l’assurer. Les mères béniront ceux qui auront su protéger la vie de leurs enfants. » Il est par trop évident que si la paix peut être encore sauvée — alors que d’aucuns font tout pour la compromettre irrémédiablement — il faut tout mettre en œuvre pour ce faire. Mais que les difficultés sont donc grandes et nombreuses ! A peine une friction est-elle en voie d’arrangement, comme le différend lituano-polonais, qu’une autre surgit en un autre point du globe, comme l’affaire des pétroles mexicains, où tant d’intérêts anglais et américains sont en jeu. Quant à la situation en Espagne, elle s’avère de jour en jour plus critique pour les gouvernementaux. M. Emile Buré, de L'Ordre, trouve que c’est fâcheux ; nous aussi, mais qu’y faire ? Faut-il délibérément mettre l’Europe, et peut-être le monde, à feu et à sang pour amener les Espagnols à la raison ? Nous entendons bien que l’Italie et l’Allemagne ne se sont pas fait faute d’apporter leur appui à Franco ; mais, est-ce une raison pour que la France et l’Angleterre en fassent autant de l’autre côté ? On sait du reste ce que l’Angleterre officielle et ses Dominions en pensent, et quelles que soient les récriminations des libéraux et des travaillistes, il est à supposer qu’aucun fils d’Albion n’ira « s’y brûler les doigts. » Nous serions donc seuls à nous engager dans cette aventure, lorsque tant d’autres préoccupations nous assaillent ! Grand merci. Voici, en effet, que, à peine installé, le Gouvernement de M. Léon Blum est aux prises avec les difficultés financières. C’était prévu, encore que le péril n’était peut-être pas aussi imminent qu’il pût justifier la demande de pleins pouvoirs de M. Camille Chautemps et son départ. On parle de projets financiers urgents : élévation du plafond des avances de la Banque de France et transfert du compte de stabilisation des rentes à la Caisse autonome de la Défense nationale, pour garnir provisoire ment de neuf milliards les caisses vides du Trésor. Nous disons provisoirement, car ces mesures constituent de l’infla tion au premier chef, tout comme la réévaluation de l’encaisse-or de la Banque constituerait une nouvelle dévaluation, et n’apporteront aucun remède durable à la situation. Tout cela, parce que l’emprunt de la Défense nationale annoncé s’avère comme impossible à cause du climat. Or, le climat se crée par une politique. S’il n’est pas favorable, c’est que la politique du Gouvernement est mauvaise ou qu’il n’inspire pas confiance au. pays. Dans l’un ou l’autre cas, des mesures urgentes s’imposent....