Extrait du journal

prendre enfin toute la terre à ceux qui depuis des siècles, pensait-elle, la lui avaient enlevée par cautèle Peu lui importait une révolution politique changeant les formes seules du gouvernement. Il lui fallait une révolution agraire, transformant de fond en comble le régime de la propriété. Et elle était unanime. Les moujiks même les pl'us cossus, qui avaient profité des lois de Stolypine pour se séparer du mir et arrondir leur lot, n'étaient pas les moins acharnés à vouloir se partager les terres de la couronne, des nobles ou des marchands. Dans toutes l'es révoltes agraires ils étaient les permiers à mener l'assaut contre les manoirs et leurs granges. Une immense jacquerie s'annonçait, qui allait amener une désertion complète du front. La guerre, dont les moujiks avaient fait les frais et qu'ils ne comprenaient plus, s'ils l'avaient jamais comprise, ne devenait qu'un obstacle, qu'il fallait écarter à tout ; prix : elle retardait la réalisation ; de leur rêve séculaire, et elle pou- 1 vait, en se prolongeant, risquer de ïa compromettre, au profit de quelque général vainqueur, servi par un 1 corps d'officiers sortis pour la plupart de la caste de ces propriétaires nobles abhorrés. j Lorsqu'on était un peu versé dans ! l'histoire sociale de la Russie et qu'on avait suivi le déroulement des . révoltes agraires, incessantes depuis ; Pougatchov à la fin du dix-huitième ' siècle, et l'a montée des grèves ou- • Trières depuis 1890, on ne pouvait ( pas ne pas douter que la Révolution ] russe allait aux extrêmes et que ! la victoire appartiendrait au parti < qui, mettant fin à là. guerre à n'importe quel prix, balayerait la propriété non paysanne. La remise à plus tard du partage des champs et des forêts, au nom de la patrie en danger, amena, avec la désertion grandissante des troupes, une rapide désaffection des moujiks à : l'égard du parti socialiste révolu- tionnaire, auxquels ils avaient jus- ; que-là accordé leur faveur. Ce parti, en voulant, comme le gouvernement < provisoire, débarrasser d'abord le territoire de l'envahisseur allemand. puis laisser à une Constituante à élire le soin de diriger « le partage noir », parut faire le jeu de la bourgeoisie. Il renvoyait au futur ce qu'exigeait le présent. Les masses ne > le comprenaient plus et écoutaient de moins en moins ses appels , L'heure du bolchevisme avait déjà sonné dès cette fin de mars....