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La France chrétienne, 22 février 1828

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La France chrétienne
22 février 1828


Extrait du journal

Paris, 21 février. Vous frappe-t-on sur une joue ? tendez l’autre, dit le christianisme. Gardez-vous-en, on frapperait encore, ré plique la raison humaine. De mauvais plaisans prendraient goût à ce jeu, et Dieu sait quand cela finirait, ajoute l'ex périence : il faut défendre sa peau tant qu’on est dedans, s’écrie le bon sens du vulgaire. Voilà deux opinions tout opposées. Il est bien d’admirer la première et sage de suivre la seconde ; c’est du moins ce qu’on fait le plus communé ment. Après un premier soufflet reçu, tant rude ou mignon soit-il, peu d’amateurs s’empressent de présenter l’autre joue pour completter la paire, et quelques esprits difficiles tiennent à le rendre et sur-le-champ, pour ne devoir rien à personne. Avant la révolution ( cette date n’est pas indifférente ), nos très-catholiques aïeux disaient proverbialement : Un soufflet vaut un coup d'épée; Dieu sait s’ils manquaient à cette règle d’honneur, même après que le grand roi eut élevé des potences pour quiconque, gentilhomme ou vilain, proposait ou acceptait un duel. En vérité, il y a des insultes qui ne méritent pas qu’on y pense. Quel mal fait au corps ou à l’âme un regard ou une parole ? Un passant vous regarde de travers, eh bien ! sup posez qu’il est louche. Il vous injurie, supposez que vous êtes sourd. — Mais l’honneur, monsieur, l’honneur! — Votre honneur dépend-il du regard d’un étourdi ou de la langue d’un menteur? voilà un singulier trésor que peut vous ôter à son gré quiconque a des yeux ou une langue ! Si quelque fou vous en offre une obole , prenez-le vite au mot de crainte qu’il ne se ravise; et ne confondons pas la réputation qui n’est rien, parce qu’elle dépend de tout le monde, avec l’honneur qui est beaucoup et ne dépend que de nous-mêmes. Mais les outrages par voies de fait ne laissent guère de place à la philosophie, surtout le soufflet qui étonne les yeux, ébranle le cerveau et bouleverse la circulation du sang. Aussi, allume-t-il toujours une subite et aveugle fu reur. On sent et on accorde que l’offensé doit-être hors de lui-même, que l’offenseur doit s’attendre à tout et n’est admis à se plaindre de rien. Comment donc se fait-il que des prêtres de Jésus-Christ s’oublient jusqu’à donner des soufflets en pleine église ? es pèrent-ils qu’on tendra l’autre joue, et ne craignent-ils pas qu’on se défende ? La loi du sacrilège est d’une rigueur ef froyable ; elle atteindrait des gens qui se battraient dans le temple du Seigneur. Mais qui frapperait-elle? le prêtre aggresseur ou le laïc en état de défense naturelle? Car qui donne un soufflet peut aussitôt donner un coup de point, et un coup de poing peut tuer....

À propos

D’abord bihebdomadaire, puis hebdomadaire, La France chrétienne était un journal catholique connu pour sa réticence vis-à-vis du libéralisme. Ses rédacteurs y soutenaient les moines jésuites et s’opposaient de manière plus ou moins féroces aux idées révolutionnaires. Lancé en 1821, le journal n’aura qu’une durée de vie limitée ; il s’éteint en 1828.

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Données de classification
  • de montlosier
  • jésus-christ
  • rouen
  • paris
  • france
  • puy-de-dôme
  • nancy
  • montmartre