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La France, 7 novembre 1888

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La France
7 novembre 1888


Extrait du journal

Nous étions trois descendant dans la mine de Cransac par le puits SainteBarbe. Tous vêtus de toile bleue avec des chapeaux en cuir se prolongeant sur la nuque pour éviter la pluie dans le cou et les blocs moins aimables. La mine est égalitaire ; on ne s’y re connaît pas à l’habit, mais au cou rage. A la descente, la cage file dans les rainures avec un doux bruit de patins, la lampe à grisou jette sa faible lueur sur les moellons du puits que la vitesse semble rayer de hachures verticales. On s’examine, la lumière dans les yeux, et un premier sentiment s’éveille dans les âmes de ceux que le hasard réunit ainsi, c’est la fraternité, la fraternité qui fera venir ce soir de tous les coins du bassin les mineurs pour enterrer leurs frères, la solidarité devant le danger, j’allais dire devant l’ennemi commun, c’est-à-dire la nature mal domptée et méchante. Egalité, fraternité, mais non pas liberté, car il faut obéir là. Ne pas se pencher en dehors de la cage pour ne pas avoir la tète tranchée par la cage remontante qui vous croise tout à coup, sans bruit, — au milieu du puits— com me une apparition qui s’envole. Et en bas, au fond, au-dessus du pui sard plein d’eau (dans lequel le machi niste vous trempe parfois pour toujours dans un faux mouvement), il faut en core attendre que la cage repose sur ses taquets, que le câble se débande en haut comme s’il était fatigué, que la chaîne qui barre la sortie soit retirée, puis une porte en fer qui clôt l’entrée souterraine s’ouvre et l’on sort de cette nacelle à rebours, de ce ballon qui plonge au lieu de s’envoler. Dès qu’on sent le sol sous les pieds on a toujours, ô ironie ! comme un senti ment de soulagement. C’est bien là le véritable élément du bipède dont parlent les naturalistes, élément perfide, on va le voir. Mais, bas te ! là haut, il y a le ton nerre, ici le grisou, et c’est toujours la terre, le point stable... Le receveur vous donne le bonjour en vous tendant la main comme si l’on des cendait de voiture. Il apparaît encadré dans l’arceau lumineux qui constitue la galerie maîtresse, creusée à travers bancs et à laquelle tous les petits chemins de fer de l’intérieur viennent aboutir. 11 y a dans cette gare souterraine de véritables petits trains qui attendent, menés par de bons chevaux qui vous re gardent avec de gros yeux clignotants. Ceux-là ne connaissent plus que la mine. Les prés, le soleil se sont envolés et l’in timité avec l’homme s’est resserrée dans l’obscurité. J’ai vu un toucheur qui pleurait quand on a ramené son cheval au jour. Il l’appelait par son petit nom et vantait ses vertus en patois attendri. La recette, comme on dit, c’est le plus bel endroit de la mine. Après, on s’en gage dans un boyau ou petit tunnel en core proprement maçonné. Tout à coup nous nous trouvons de...

À propos

Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.

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