Extrait du journal
L'Assemblée nationale a voté hier la loi sur l’emprunt de la ville de Paris. Le débat a été court ; il n’a porté que sur deux points : la faculté dont jouit la ville de Paris de créer des obligations avec lots et la dispense du ^roit de timbre proportionnel. Quelques observations présentées par M. Batbie, rapporteur de la loi, ont suffi pour calmer les doutes et les scrupules élevés à ce double sujet. Il n'y a pas de loi qui ait traversé plus de vicissitudes que la loi ayant pour ob jet d'indemniser les départements en vahis. Elle a été enfin adoptée hier et adoptée à la presque unanimité ; quatre bulletins négatifs seulement se sont trou vés au scrutin. Mais la discussion qui a précédé ce vote a été passablement con fuse, et une malencontreuse initiative du gouvernement a failli un moment tout remettre en question. L’exécution de la loi ne manquera pas de faire naitre de nombreuses difficul tés, si l'on s’en réfère, pour l'intelligence de ses dispositions, aux explications données hier. Voici, par exemple, M. Albert Grévy, rapporteur de la commission, qui nous dit : « Il est bien entendu que le bénéfice de notre loi ne s’applique ni aux dévas tations de la guerre civile, ni aux des tructions opérées avec intention par le gouvernement français. » C'est d'une clarté à défier toute équi voque. L’honorable rapporteur limite la loi aux dommages causés par l’ennemi, et s’en remet, pour la réparation des au tres, aux lois qui régissent spécialement cette matière. Mais tel n’est point l'avis de M. le mi nistre de l’agriculture et du commerce. M. Victor Lefranc cite le texte de l’arti cle 1er et il ajoute : « Rien dans ces ter mes n’indique exclusivement les dom mages matériels venant de l’artillerie ou de l’armée prussienne. Il est évident qu’il s’agit, d’une taçon générale, de tous les dommages résultant de la lutte. * Laquelle de ces deux interprétations fera loi dans la pratique, celle du minis tre ou celle du rapporteur? Nous savons bien que la lutte dont il s’agit ici est la lutte étrangère, et qu’il serait difficile, sur un champ de bataille, ou dans des villages qui souvent ont été plusieurs fois pris et repris, de séparer les ravages causes par l’une ou l’autre armée, 1 une ou l'autre artillerie. Mais si l'accord existait, au fond, entre le gou vernement et la commission, comme on s’est plu à le dire des deux côtés, pour quoi ne pas avoir écarté ces différences de langage, ces formules contradictoi res? et si le ministre, à qui sur ce point est resté le dernier mot, avait raison, pourquoi ne pas avoir précisé la portée de cette déclaration? Nous qui avons si énergiquement de mandé l’indemnité pour toutes les per tes qu’a causées cette guerre, nous ne pouvons trouver mauvais qu’on met te sur la môme ligne, au point de vue du dédommagement, les ravages provenant du fait des armées alleman des et ceux qu’ont occasionnés les armées françaises. Mais puisque des doutes setaient produits, il fallait les éclaircir d’une manière complète. Car il peut arriver ceci, c’est que des malheureuses victimes de la guerre soient renvoyées d’une législation à l’autre. Quand elles invoqueront la loi de 1871, on leur dira : * Mais ce sont les armées françaises qui ont commis ces dommages, réclamez l’indemnité qui vous est accordée par le décret de 1850. > Et puis, quand elles s’appuieront sur le décret de 1856, on leur répondra : « Vous êtes dans les cas prévus par la loi de 1871, les situations ne sont pas les mêmes, comme l’a déclaré le rapporteur de cette loi, et les principes qui rè glent l'indemnité différents. > Ce n’est pas tout : hier, au milieu de cette troisième délibération qui n’aurait dû, ce semble, avoir à sanctionner que les résultats acquis, voilà M. le ministre de l’agriculture et du commerce qui in troduit une disposition certainement juste et excellente en elle-même, mais tout à fait nouvelle et en désaccord avec le but de la loi qui, dans la pensée de ses auteurs, devait s’appliquer unique ment aux dommages causés par l'inva sion étrangère. Présenté à un autre moment, le para graphe additionnel, émané de l’initiative gouvernementale, n’aurait rencontré au cune contradiction ; car il s’agissait de subvenir,par une première répartition de secours, aux besoins des personnes qui ont le plus souffert des opérations d’at taques dirigées par l’armée française pour rentrer dans Paris. Mais attendre la dernière heure pour proposer une mesure de ce genre, on devine toutes les objections que cette manière de procéder ne pouvait manquer de soulever dans une Assemblée qui n’aime point les sur prises et qui ne ménage ni son temps, ni sa peine pour examiner les choses avec calme et maturité. De divers côtés des réclamations ont surgi. On a demandé le renvoi de la pro position à une loi spéciale. M. le ministre a insisté, et le paragraphe a été inséré dans le texte de la loi en cours de dis cussion ; on s’est borné à réduire de 10 millions à 6 le crédit demandé par le mi nistre. Seulement il était aisé de voir que la majorité était péniblement im-...
À propos
Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.
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