Extrait du journal
L'ultimatum économique que l'Alle magne a brutalement lancé à la Suisse, met cette dernière en pénible posture. Tributaire de l’Allemagne pour un cer tain nombre de produits, et surtout pour le charbon, elle est exposée à souffrir, si nous ne consentons à lui laisser exporter chez nos ennemis, à titre de compensation, une partie des denrées et des produits que nous lui fournissons. Et, pourtant, cette solu tion, quelles que soient nos sympathies pour la Suisse, nous ne pouvons l’ac cepter ni même l’envisager. J’ai été de ceux qui n’ont cessé de proclamer hautement, à un moment où l’opinion française ne l’apercevait pas nettement, la force des amitiés que nous Avons en Suisse ; je sais que la Suisse g secondé notre effort de production pour la défense nationale, dans toute la mesure permise par sa neutralité ; comme démocrate, mes sympathies vont II cette République indépendante et fière ; enfin, je partage la reconnais sance de tous les Français envers ceux qui ont témoigné à nos blessés tant de dévouement et de charité. Mais nos amis de Suisse doivent se rendre compte que nous sommes engagés dans une guerre à mort avec le plus redoutable ennemi, que depuis bientôt deux ans le sang de nos soldats coule à flots; que notre territoire est envahi, que notre pays subit avec fierté et héroïsme une épouvantable épreuve: qu’il a été jeté dans une guerre qu’il u’a pas voulue et dont il ne veut sortir que v ictorieux. Alors, ceux qui sont à la tête des affaires publiques, ont le strict devoir de ne rien négliger de ce qui peut hâter l’heure de la victoire. Les gouverne ments des Alliés ont jugé que le blocus économique des empires centraux était un moyen utile de vaincre, et après avoir pesé les avantages et les dangers d'un tel système, ils l’ont adopté. I leur faut donc le maintenir dans toute1 fca rigueur, et on ne comprendrait pas qu’ils pussent abandonner une parcelle de l’efficacité qu’ils peuvent en retirer. Sur ce point, il faut qu’il n'y ait çjvtre nos amis de Suisse et nous, aucune ambi guïté. Certes, les neutres sont soumis du fait de la guerre, à un dur régime, et il est particulièrement douloureux pour nous quand il pèse sur la Suisse. Mais ce n’est pas nous qui avons rompu le pacte ; nous n’avons cessé de respecter l’accord que nous avions conclu. Notre ennemi, au contraire, se livre à un véri table chantage ; spéculant sur l’amitié qui nous lie à la Confédération helvé tique, sur le souci que nous avons de ses intérêts, il recourt à la menace bru tale, pour que la cause de la Suisse devienne en même temps celle de l'Aile magne. La m 'thode n’est pas pour nous sur prendre : on peut bien se permettre de paralyser la vie industrielle de la Suisse neutre quand on a bouleversé, avec d’abominables excès de cruauté, la vie nationale de la Belgique neutre. Pour l’Allemand rien ne compte, en dehors de la force cyniquement invoquée. Mais nous, qui au surplus luttons pour l’indépendance des petites nations, — n’avons-nous pas acheté par nos sacri fices, le droit d’être intraitables, malgré nos sympathies, quand il s’agit de ne pas reculer, ne fût-ce que d’une minute, l’heure de la libération de notre terri toire ? Oui, la France a dans ses traditions, une générosité qu’elle n’a jamais ou bliée au cours de son histoire, une géné rosité qui est un des éléments de sa force morale dans le monde, et qu’elle doit garder pieusement comme qn de ses trésors d’influence les plus précieux. Combien il lui est pénible aujourd’hui, de n’en pas faire profiter la Suisse !Mais les meilleurs amis de ce pays — et je me compte parmi eux — considèrent qu’il y a une impossibilité à laisser s’ache miner vers VAllemagne, une seule tonne de nos produits. Si la situation des neu tres devient difficile, que ceux-ci consi dèrent que depuis deux ans, les Alliés se battent pour la liberté du monde, pour le respect des nations, pour la sauvegarde des neutres, et qu’ils ne cessent d'être au péril et à la mort. Est-ce à dire, que nous ne devions pas désirer, à l’exclusion absolue de toute mesure pouvant permettre à l’Al lemagne de se ravitailler, des solutions conformes aux intérêts de la Suisse ? En aucune façon,et il faut, au contraire, les rechercher ardemment. En réalité, le plus grave problème pour la Suisse, c'est celui du charbon ; c’est de cela qu’elle ne peut se passer, et c'est cela qui lui vient d Alle magne. Peut-être n’est-il pas impossible aux Alliés, au prix de sacrifices consentis de part «et d’autre, de chercher à le lui procurer. Pour des produits d’impor tance moins grande, la solution serait sans doute plus facile. Dans tous les cas, c’est dans cette voie qu’il faut s’en...
À propos
Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.
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