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La Gazette de Château-Gontier, 9 juillet 1933

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La Gazette de Château-Gontier
9 juillet 1933


Extrait du journal

Monsieur le Directeur, Nos députés ont décidé que le blé serait vendu 115 francs. Vous dire que ça ne nous pas plaisir, ce serait mentir. Au moment où le sac ne trouvait acheteur qu’aux environs de 90 francs, on est Content de le voir mon ter à 115 francs. Faut être paysan pour savoir tout le mal que nous donne le blé avant qu’on le vende, et toutes les dépenses qu’il faut faire. On a beau labourer de son mieux, mettre de la bonne semence, ne pas ménager les engrais, on n’est jamais sûr que quand la récolte est dans notice grenier. Si on a eu une bonne récolte l’année pas sée, combien de récoltes furent mauvaises ; et que sera celle qui arrive ?... ... puis, pourquoi que nos députés ils ont voté le prix de 115 francs plutôt que 120, qui eût été plus juste ? 115 francs avec le franc à quatre sous, ça fait juste le blé à 23 francs d’avant la guerre. Si tout était à cinq fois plus cher, ça irait encore, mais les machir es, les outils, les engrais et le travail sont bien plus chers, Souvent huit, neuf ou même dix fois plus cher. Alors, comment voulez-vous qu’on •’ep sorte ? Il y en a qui disent que nous autres cul tivateurs, on gagne toujours beaucoup d’ar gent. Pas ces années-ci, en tout cas. On a vendu notre bétail à perte et notre blé aussi. Puis, si on gagnait de l’argent, tout le monde devrait être content. Car si on en gagne, on en dépense. Plus on en gagne et plus on va dans toutes les boutiques des villes acheter sans trop compter. Mais crest pas de ça que je veux vous par ler, Monsieur le Directeur ; je voudrais vous demander comment ça va s’arranger après cette loi. Voilà le blé à 115 francs ; c’est bon. Les marchands, tous les marchands, vont-ils nous le payer ce prix-là sans marchander ? C’est bien à nous qui le récoltons qu’on doit payer le blé 115 francs. C’est-y les meu niers et les minotiers qui doivent le payer Ce prix-là ? Ou bien c’est-y les marchands à 3 ut on le vendait d’habitude ? Si c’est eux, faudra qu’ils le revendent plus cher aux mwiotiers, car il faut bien qu’ils gagnent leur vie et qu’ils paient leur pain et leurs impôts. Et puis, il y en a qui sont plus prêts des moulins et d’autres bien plus loin... Il ine parait que les minotiers aimeront mieux acheter le grain à côté de chez eux de pré férence. Ceux qui sont plus loin, comment qu’ils le vendront eux aussi au même prix ? Et puis, surtout, tout le blé n’est pas pa reil. Il y en a qu’est beau, sec, lourd, de belle couleur, et d’autre qui est gris, rude, pas sec, qui sent pas tout à fait bon. C’est-y qu’on les paiera le même prix? Il y a souvent {dus de cent sous de différence entre la vacur de certains blés et d’autres de meilleure qualité. Qui c’est qui fixera le prix si on per met de ne pas tout payer à 115 francs ? Ca sera cause de dispute, sinon de procès. Et puis encore, si tout de suite après la récolte on apporte sur le marché tout le blé qu’on a battu, il y en aura tellement que les minotiers et les marchands ne pourront pas fout prendre la même semaine. C’est que les paysans sont capables de se dire : Le Gouvernement a mis le blé à 115 francs ; de peur que ça ne dure pas toute l’année, je vas vendre ma récolte bien vite ; j’aime mieux avoir des billets dans mon armoire qu’un tas de blé dans mon grenier, un tas qui diminue tous les jours et qui risque d’être vendu moins cher. Et puis, si ce n’est pas pour ce motif-là, ça peut être parce qu’il y a bien des paysans qui, au jour d’aujourd’hui, ont besoin d’ar gent. Ils amèneront donc leurs échantillons. Mais, à propos, faudra-t-il encore des échan tillons, puisque le blé est à 115 francs ? Donc, ils ont des échantillons ; si on ne prend pas tout, lesquels seront les premiers choisis ? Ceux qui ont besoin d’argent, ou bien le pieilleur blé ? Ou bien encore les débrouil lards ? Je sais bien que la loi dit que c’est un prix minimum, mais qu’on peut vendre plus cher. Élus cher ? Croyez-vous que les acheteurs vopt accepter çâ ? Il y aura des malins qui vendront plus çher, c’est certain ; mais je crois, moi, qu’il y en aura aussi, des pauvres bougres qui au ront besoin d’argent tout de suite et qui Sront fpreés de vendre, en cachette bien r, au prix qu’on leur offrira. Et ça n’emchera pas la farine d’être vendue plus cher, #t les ouvriers de crier justement que le pain est cher....

À propos

Lancé en 1878, La Gazette de Château-Gontier fut un bihebdomadaire, puis un hebdomadaire local. Collaborationniste pendant l’occupation, il est interdit en 1944.

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