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La Gazette de Château-Gontier, 21 octobre 1934

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La Gazette de Château-Gontier
21 octobre 1934


Extrait du journal

Samedi 13 Octobre. Nos lecteurs sont encore sous le coup de l’épouvantable nouvelle qui, mardi soir, porta dans le monde entier un deuil cruel. Nous no voulons pas revenir sur les récits complets donnés par la Presse et le Cinéma. Certes, il est effrayant de songer qu’un sou verain ami de la France, un lioi qui avait réussi à fédérer des nations disparates et à faire accepter son autorité par un peuple remuant, un chef qui s’était montré vail lant, courageux entre les meilleurs pendant la guerre, un chef qui avait reçu de l’opinion, après le Roi Albert de Belgique, le titre flatteur de « Roi Chevalier », il est effrayant, disons-nous, de songer que ce souverain soit sauvagement assassiné à l’heure même où il venait chez nous pour compléter les accords commencés chez lui tout dernièrement, et pour éclairer la politique extérieure avec l’Italie et l’Autriche. Il est effrayant de se rappeler qu’un Français puissant par sa situation politi que, grand par son influence à l’extérieur, est tombé lui aussi victime de la même bande. Sans doute, les actes de M. Bavthou n’eu rent pas tous la même valeur. Si nous ne pou vons accepter sa politique d’accords avec les Soviets, nous ne pouvons oublier qu’il fut, en 1914, l’auteur de la loi de trois ans, qui sauva notre Patrie de l’invasion en per mettant la victoire de la Marne, ni qu il incarna depuis quelques mois la vraie poli tique nationale pendant ses voyages en Tchéco-Slovaquie et en Roumanie. Il devait rencontrer Benito Mussolini tout prochaine ment à Rome, et nous espérions que cette rencontre aurait eu des résultats féconds. De tout notre cœur, nous saluons bien bas ces deux victimes du devoir. Cet hommage rendu aux deux éminents hommes d’Etat, morts en service commandé, nous nous re tournons vers la France, vers nous-mêmes, pour essayer de savoir quelles répercussions prochaines ces événements vont avoir chez nous. . ’ * ' # Il est à espérer qu’aucune complication extérieure ne va surgir. Autant qu’on peut le savoir, c’est un balkanique qui a tué le souverain et notre ministre ; ce sont des bal kaniques qu’on a trouvés comme complices. Certes, Us ont commis leur crime en France. Le Roi Alexandre pouvait presqu’impunément se promener au milieu de son peuple, sans garde nombreuse. Pourquoi ce crime dès qu’il eût posé le pied sur le sol de France ? Pourquoi, aussi, — les journaux ont posé la question dès le premier jour, — notre po lice fut-elle si notoirement au dessous de tout ? . Aucune précaution ne fut prise ; bien plus, il semble que toutes les maladresses fussent accumulées. Si, pour défendre un préfet de Rennes, qu’aucun danger ne menaçait, on fit venir plus d’un millier de gardes mobiles et de gendarmes, contre des paysans qui avaient déclaré vouloir manifester pacifiquement, ©n avait amené à Marseille seulement qua tre douzaines de gardes mobiles pour pro téger un Chef d’Etat qu’on savait menacé de mort par des bandits dénoncés à l’avance. L’assassin n’était pas un inconnu de la police, puisque son portrait s’étalait le len demain dans nombre de journaux, avec la mention de suspect. Lç Gouvernement belge avait prévenu la Sûreté française du complot ourdi contre le Roi qui nous arrivait. Nous ne comprenons plus..., ou plutôt nous avons peur de comprendre. En France, la police a mauvaise presse depuis quelques mois. Au vrai, elle le mérite. Son rôle dans les affaires Stayisky et Prince est plus que louche, et voici qu’elle est encore suspecte, au moins de négligence, dans ce drame épouvantable. Le Chef de la Sûreté et le Préfet des Bou ches-du-Rhône ont été suspendus de leurs fonctions. Ce n’était pas assez. A Paris et dans toute la France on a crié contre M. Sarraut ; celui-ci a entendu ce tumulte et a offert’sa démission, qui sera effective lundi. Est-ce suffisant ? Quand, après le 6 février, les gouverne ments successifs de gauche ayant sombré dans le sang, un Ministère d’Union fut formé, Ri peuple français croyait qu’enfin un régime d’autorité allait succéder à 1 anar chie. t— Si la France a fait confiance à M. Doumergue, ce n’est pas seulement parce qu’il était personnellement un honnête homme, mais surtout parce qu’on croyait qu il allait enfin rendre à la justice sa clarté et sa viueur, qu’il allait restaurer l’autorité et onner à chacun ses responsabilités. Or, nous avons vu le rôle plus qu’étrange d’un Chéron — celui qui, précisément, était le grand maître de la Justice. Le peuple d’Alsace vient de lui crier son mépris ; les Parisiens le huent ou le chansonnent j il n’ose plus se montrer même à la rentrée des Tribunaux, où sa place est marquée par la coutume. Ses collusions avec Bonny, ses compromissions dans la publication du rap port Guillaume, ses faiblesses pour des cou pables notoires, comme Mariani, tout l’a déconsidéré devant l’opinion. Et l’opinion, qui a créé le Ministère Doumergue, trouve que trop de membres de ce Ministère ne sont pas dignes de commander. Qui dit Gouvernement doit dire aussi au torité. Un Gouvernement qui fait son de voir ne devrait pas dépendre de l’opinion publique. Il doit la diriger. S’il no fait pas son devoir, si ses actes sont mauvais, s il ne rend pas la justice, l’opinion a raison de l’insurger. Or, en France, l’opinion grogne et un peu partout manifeste son mécontentement....

À propos

Lancé en 1878, La Gazette de Château-Gontier fut un bihebdomadaire, puis un hebdomadaire local. Collaborationniste pendant l’occupation, il est interdit en 1944.

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