Extrait du journal

La prorogation des pouvoirs présidentiels nous amènerait à un gouvernement constitué en dehors de tous les principes, à un gouvernement de ha sard, à un pouvoir de fait, et, à ce titre, nous la rcjioussons de toute l’énergie de nos convictions. Avec un gouvernement de fait, le passé ne l'a prouvé que trop, le caractère national s’amoindrit, le niveau de la conscience publique s'a baisse, tou tes les questions se réduisent à de misérables questions d’argent et d’intérêt personnel. On se dévoue à un principe, parce qu’on a foi en lui : la foi produit toujours le dévouement. On ne se dévouera jamais à un gouvernement de fait ; on le servira par calcul, par cupidité. On sait qu'il est né du hasard, qu'hier encore il n’avuit aucune raison d’être, que demain il peut disparaître aussi vite qu’il a surgi. C’est un accident dont on cherche à tirer le meilleur parti (>ossible et que chacun veut exploiter à son profit. Los gouvernés, du reste, sont contraints d’entrer dans celle voie par les gouvernants eux-mêmes, et ceux-ci, à leur tour, obéissent à la plus impérieuse nécessité do leur s:hitition. A défaut du principe qui leur manque, les gouvernements de fait ne peuvent s’appuyer (pie sur les intérêts matériels ; et ils les surexcitent euxmêmes jx)ur se donner le mérite de les satisfaire et se donner, en les satisfaisant, des créatures et des soutiens. Quand on ne peut pas s'adresser au cœur, il faut bien qu’on s’adresse au ventre. S’il y a peut-être quelque crudité dans ce dernier mot, il y a aussi une incontestable vérité. Nous avons entendu dire bien souvent : L’cnthçusjysmc pour un gouvernement quel qu’il soit n’est plus possible en France! Nous sommes loin d’accepter cette appréciation comme étant d’une in contestable justesse, et dans l’avenir que nous rê vons etespérons pour notre France, nous comptons bien voir se raviver cette noble faculté du cœur qu'on dit être aujourd’hui pour jamais éteinte. Toutefois, et nous n'hésitons pas à en convenir, il y a dans celte proposition quelque chose de vrai; l’enthousiasme renaîtra, nous le croyons ferme ment, mais il est mort, bien mort depuis longues années. C’est que l'enthousiasme vient du cœur, et c’est la foi qui l’inspire. Co sont les gouvernements dcfaitqui l’ont tué. On a matérialisé la politique; le fait se substituant au droit dans le gouvernement, dans la nation l’intérêt a remplacé le devoir, et là où il n’y a de place que pour les calculs d'un sordide égoïsme, il n’y a plus de place pour les nobles et généreux sentiments. Voilà comment à côté des souvenirs d’une pros périté matérielle, fort contestable d’ailleurs, que lais sent derrière eux les gouvernements de fait, il y a la triste et douloureuse réalité d’une grande dé chéance morale subie par la nation. A ceux qui...