Extrait du journal

LE BACCALAURÉAT Aujourd’hui s’ouvre à Paris et quel ques jours après dans toute la France la session du baccalauréat. Nous pouvons nous attendre à cette occasion à enten dre rééditer contre lui tous les griefs dont récemment a retenti la tribune du Luxembourg. Aujourd’hui môme encore, la Commission permanente du Conseil supérieur est appelée à délibérer su" la réforme de cet examen. De tous les côtés s’élèvent des plaintes et des clameurs. Ce sont d’abord les professeurs de Faculté. « Est-ce notre métier de surveiller des compositions, de faire la police pour dé pister les fraudeurs, de faire la chasse aux petits papiers qui se dissimulent dans les poches, dans les doublures et jusque dans les manchettes ? » Est-ce à nous d’interroger les candi dats de l’enseignement secondaire et n’avons-nous rien de mieux à faire quo de perdre à ces besognes insipides un temps qui serait mieux employé à nos cours, à nos recherches personnelles, à nos travaux scientifiques? » J el que vous me voyez, Monsieur, dit l’un d’eux, sans le baccalauréat j’au rais publié dix volumes. Le premier n’a pas encore paru. » 11 y a vingt ans que le cher homme est professeur dans sa Faculté. Malgré les vingt mois qu il a employés aux exa mens, il eût pu peut-être pendant les deux cent vingt autres écrire quatre cents pages. Quant aux autres ils ont une fonction d’Etat et ils doivent faire ce pour quoi ils sont appointés. Ils sont payés pour ser vir et non pour faire ce qui leur plairait. Leurs doléances nous émeuvent peu. Plus intéressantes sont celles des pa rents et elles ne manquent pas. Il ne so passe pas de mois de juillet qu’on ne voie arriver quelque amie ou quelque pa rente qui vous parle à peu près ainsi : « Mon fils était prêt, archi-prêt, Mon sieur, et il a échoué. Il traduit le latin comme I3itaub6,il écrit le français comme La Bruyère, il philosophe comme Des cartes ; croiriez-vous, Monsieur, qu’il a raté sa version, qu’il a été recalé pour le discours, qu’on l’a collé en dissertation ? Excusez ma douleur. Voilà maintenant que je parle comme lui. — Mon Dieu ! Madame, je ne conteste pas les hautes capacités de monsieur votre fils, je crois volontiers qu’il est la victime d’un concours très malheureux de circonstances, mais, enfin, il n'y a pas mort d’homme. Il est très bien portant, Dieu merci, il va travailler un peu aux vacances pour s’entretenir la main et...