Extrait du journal

Ce n'est pas que nous ayons eu grand mérite k prévoir les difficultés qui allaient surgir. Il ne faut certes pas être sorcier. Toutes ces expéditions lointaines ont les mêmes causes et les mêmes causes produisent les mêmes effets. C'est l'éternelle histoire du roitelet aux prises, tout d'abord, avec nos hardis explorateurs, et, plus tard, avec l'élément militaire. Tout le monde est dans son rôle. L'explorateur ouvre le chemin ; l'officier s'y engage bravement, l'épée à la main, à la conquête de nouveaux territoires et de nouveaux galons ; et le roitelet, lui, s'efforce par tous les moyens — par les armes ou par la ruse — de repousser, ou, tout au moins, de contenir l'envahisseur... Dès que le bruit des premiers coups de fusil tirés dans ces contrées lointaines parvient jusqu'au Parlement, un sous-secrétaire d'Etat monte généralement à la tribune pour déclarer que ce n'est rien et qu'il n'a besoin de rien. A l'entendre, c'est une simple affaire de police qui no nécessite pas l'ouverture du moindre crédit. Le soussecrétaire ajoute même que, Dieu merci! la France possédant un empire colonial suffisamment étendu, no saurait songer à des conquêtes nouvelles. Et le Parlement se rendort sur ses deux oreilles. Mais les coups de fusil continuent. Une poignée de braves tient tête à un ennemi vingt fois supérieur en nombre. Les fièvres s'en mêlent. La saison est mauvaise. 11 faut rapatrier les uns et ravitailler les autres. La prudence exige de renforcer nos petites garnisons. Un peu d'artillerie serait également nécessaire. On l'envoie. Le blocus de la côte aurait son utilité. On l'effectue. Un navire ne suffit pas. En voilà deux, en voilà trois.. Ça y est. Nous sommes désormais en guerre avec un Béhanzin quelconque. Et la preuve c'est que nous négocions déjà la paix. Deux ou trois millions ont été dépensés sans aucune autorisation. Mais le Parlement est si bon enfant 1 Et puis, ne lui apporte-t-on pas un traité, un parchemin revêtu du sceau royal ?...