Extrait du journal

Mais, si M. Frédéric Passy n'attend que de l'influence morale et de la propagande des idées, l'amélioration du sort des ouvriers, s'il croit réellement que le progrès des moeurs imposera un jour les réformes nécessaires, d'où vient donc qu'il accepte dt:s aujourd'hui l'intervention de l'Etat » dans les cas où la santé des jeunes filles et des mineurs est en jeu » Et s'il fait fléchir en faveur de ces derniers les rigoureux principes de l'Economie politique, comment pourra-t-il nous refuser, par exemple, d'assimiler la femme adulte à la jeune Tille, quand nous demanderons une fois encore au législateur d'interdire, autant que faire se peut, le travail de nuit des femmes 1 Que M. Frédéric Passy nous explique donc, de grâce, la distinction qu'il établit entre ces deux malheureuses penchées toute une nuit sur un métier, dans l'atmosphère surchauffée d'un atelier de tissage. L'une est une jeune fille, l'autre est mariée. L'une à dix-neuf ans. L'autre en a trente Pourquoi protéger la première et abandonner la seconde « aux lois de la concurrence? » En quoi donc cette jeune fille vous intéresse-t-elle Est-ce la future mèrede famille que vous entendez sauvegarder ? Mais alors pourquoi ne pas protéger la mère de famille elle-même? N'est-elle pas aussi intéressante — nous dirons même plus intéressante — que sa compagne ? N'aura-t-elle pas demain son. ménage à faire, son mari à nourrir et ses mioches à soigner? Ne doit-elle pas conserver k son lait la force nécessaire? Ne porte-t-elle pas dans son sein quelque nouvel enfant? Soyez donc logiques, messieurs les économistes : ou bien, à cheval sur vos prin cipes, et des hauteurs sereines de l'Economie politique, contemplez, sans mot dire, l'effrayante mêlée de la lutte pour la vie, et, alors, no vous laissez même pas...