Extrait du journal
cadet de la famille, parce que l’aîné est pourvu d’un plus beau titre et qu’il est en possession de la très majeure partie des biens de la seigneurie, tandis que le marquis a été attiré vers Jeanne bien moins par le charme de sa beauté que par la convoitise des terres qu’elle lui apporte en dot et dont s’arrondit son domaine. Entichée de privilèges que son inutilité oisive ne justifiait plus, la noblesse défen dait avec la même, férocité qu’au jourd’iiui ses droits de chasse, signe distinctif de sa vanité, et n’hésitait pas, pour un chevreuil tué dans ses bois, à jeter en prison la femme et la fille d’un malheureux père de famille incité au braconnage parle dé nuement des siens, comme cela arrive à un pauvre diable, dans le roman d’Al bert Monniot. Ce coup de force soulève même, contre le marquis de Nangis, une émeute de paysans dont il n’hésitera pas à attribuer la responsabilité à son frère Robert, lorsqu’il voudra le perdre, devant le Roi. Alors comme aujourd’hui, les gens de noblesse se montraient assez souvent ou blieux de leur bon renon de loyauté et n’hésitaient pas à employer l’intrigue et la perfidie au bénéfice de leurs passions. Le rendez-vous où Jeanne de Montigny, devenue marquise de Nangis, ulcérée des refus qu’oppose le comte Robert à ses offres d’amour, affirme impudemment à son m-'.ri qu’elle a eu à se défendre des odieuses tentatives de son frère, est une scène forte entre toutes dans laquelle Al bert Monniot démontre éloquemment la dégénérescence de cette aristocratie qui allait lâcher pied devant le danger et de mander, à l’exil, une humiliante sauve garde. Mais c’est assez indiquer, dans l’œuvre vibrante d’Albert Monniot, les ombres sur lesquelles se détache, en si vigoureux éclat, la hautaine et vaillante figure de son Dernier Preux. De tout temps, les héros eurent à subir les vilenies de leur entourage. Leur héroïsme ne s’est même manifesté qu’à triompher de ces vilenies. Au milieu des injustices, des pièges sournoisement tendus à sa candeur, par mi les machinations sourdes, les guetapens, les calomnies où la jalousie de son frère, la haine de l’indigne femme qu’il a eu le tort d’aimer et les félonies d’un che valier de Gurcy, ligué avec sa famille, l’enserrent pour le perdre d’honneur, le comte Robert de Nangis apparaît tou jours, fort de sa droiture et de sa bravoure, le paladin magnifique, rêvé par notre enthousiasme en tout vrai gentilhomme. En ce coin de province, circonscrit en tre les terres de sa châtellenie familiale, Robert de Nangis réalise autant de beaux exploits que les justiciers légendaires de la chevalerie errant à la recherche des torts à redresser à travers le monde. Suivi de son fidèle Briard, qu’il ait à sauver Jeanne de Montigny d’une meute hurlante de loups, en plein hiver, ou d’une bande de bretteurs soudoyés pour son enlèvement, qu’il ait à châtier l’inso lence du chevalier de Gurcy ou à sauver son indigne frère des coups d’un trio d’assassins, Robert de Nangis accourt, intrépide, joyeux dans le danger comme à une fête, enfermé, dans une atmosphère invisible de sécurité, par son invincible épée. Et peut-être est-ce à cette religion de l’épée, bafouée aujourd’hui comme tout ce qui peut relier l’homme à la pensée divine, mais en qui Albert Monniot ma nifeste une foi fervente, que Le Dernier Preux doit sa plus virile beauté. L’épée est loyale et droite ; elle excite qui en est armé aux élans fougueux ; elle a des vibrations fertiles en ivresses pour qui sait l’aimer; elle est une amie exi geante à qui doit être offert, à toute mi nute, le sacrifice de la vie ; elle aide à marcher, la tête haute, et préserve de toute souillure qui sut prendre, pour guide de sa conscience, la droiture et la pureté de l’acier dont elle est forgée. Et lorsque son coin de terre lui devient trop étroit, Robert de Nangis, dont l’épée s’impatienterait dans l’oisiveté, va cher cher, en Pologne, aux côtés de Kosciuszko, des occasions de prouesses, comme il en trouvera dans les armées de la Révolution et de l’Empire, après que les perfidies de son frère et de sa belle-sœur auront ob tenu, du jugement suborné du Roi, sa déchéance de son titre et l’auront ré duit, dans les rangs du peuple, à se con quérir une nouvelle noblesse, la seule vraie, celle qui s’est toujours acquise par le mérite personnel et pour le soldat d’a lors, à la pointe de son épée. Cette scène du jugement du Roi, iné dite, croyons-nous, dans la littérature ro manesque et dramatique, est conduite avec une habileté dans l’art de ménager les émotions, qui produirait au théâtre un effet saisissant de grandeur. Et il ne déplaira à personne qu’Albert Monniot ait imaginé de mêler son héros d’ancien régime aux héros de la récente épopée où la France se donna une si ra meuse renaissance de gloire. La France...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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