Extrait du journal

Londres, 29 juin 1906. Monsieur le Directeur, Seul, abandonné de tous, dans la si tuation la plus atroce, je m’étais promis de ne pas dire un mot pendant tous les débats de la Révision Dreyfus. Mais on me met sous les yeux les abominables outrages, les injures sans nom, dont, dans un véritable affolement, ceux-là même qui auraient dû me défendre m’accablent ou me font accabler, et je n’y puis tenir. Je viens vous demander l’hospitalité de La Libre Parole pour es sayer de faire entendre ma protestation désespérée devant tant de lâchetés et de sottises. La consigne J’ai, dès la première heure, en 1897, voulu dire la vérité, estimant que c’é tait la meilleure chose à faire. J’ai reçu l’ordre de me taire, d’obéir, avec l’assu rance formelle que « mes chefs me cou vraient ». J’ai obéi, comme j’avais fait toute ma vie, et je crois qu’à ce moment tout homme à ma place en aurait fait autant. Seulement, je trouvais absurde la voie dans laquelle on s’engageait, et à ceux en qui j’avais, ou en qui je croyais pouvoir avoir confiance, j’ai dit la vérité, et mon sentiment sur ce sys tème. Cependant, tant que mes chefs ne m’ont pas abandonné, et ont tenu les engagements pris vis à vis de moi et répétés par eux à mon conseil, à mes amis, tout a bien été.Avec M. Cavaignac, tout a changé ; il a immédiatement per du la tête, et, mal conseillé, a cru faire un coup de maître en tétant Henry et moi par-dessus bord. L Chacun sait ta suite»...