Extrait du journal

s’en va, comme chaque soir, embrasser sa mère... La maison dort maintenant. Julien retourne au verger, prend le cada vre, le t raine jusqu’à la buanderie où la macabre chaudière est déjà prépa rée. Un instant, il a une alerte. Une des servantes a entendu du bruit. Mlle est descendue en savoir la cause, l/assassin n’a que le temps do so planter debout, devant elle pour lui masquer le cadavre de la morte étendu, dans l’ombre, à ses pieds. Julien ne perd pas son sang-froid. Il congédie la bonne avec douceur, et la funèbre cuisine commence. Julien allume le fourneau, coupe la tète de la morte, désarticule les mem bres. Dès que les chairs bouillies se désagrègent, il les reprend et. les jette dans le foyer qui achève de les con sumer. Le monstre accomplit cotte besogne effroyable aussi naturelle ment, aussi paisiblement que s'il était occupé, comme il lui arrive, â faire cuire des salaisons pour les besoins de la ferme. Il n’a qu’un moment d’impatience, c'est lorsqu’il s’aperçoit que le four neau fonctionne mal. Il so lève alors, et., tranquillement, pour activer la combustion du foyer, il ouvre la porte de la pièce voisine où dort sa mère! Lorsque le juge d'instruction lui fait remarquer toute l’horreur de ne détail, Julien se contente de répondre en homme de sang-froid qm a tout, calculé : «« A quoi bon fermer celle porte, puisqu’elle était, vitrée, et qu’on pou vait. tout de même voir au travers? » Un seul instinct humain semble avoir survécu chez celle brute : l’ins tinct de la propriété. Quand on le ramène sur le lieu du crime et qu’il refait le funèbre trajet, cet égorgour de femmes s’interrompt pour chasser des gamins qui tour mentent ses poules. Il avait, au début, invoqué l’excuse de la légit ime défense ; il avait préten du que sa victime l’avait menacé d’un revolver. Celte arme, aflirmait-il, était restée dans une grande haie de buis centenaire. Son avocat demande que la baie soit rasée pour faciliter les recherches. Ma haie rasée ! s’écrie l'accusé. Je mais ! par exemple. —Mais, pour ret rouver celte arme !.. — Inutile ! Kilo n'cxLstc pas. J’avais menti ! Je crois que comme spécimen de fauve à face humaine, il est complet, celui-là. Jamais, cependant, nous n'avons songé à nous autoriser de ce crime épouvantable pour insinuer que tous les Protestants étaient, des monstres, que tous les Protestants avaient pour habitude de faire de leurs servantes leurs maîtresses et de les mettre en suite à cuire dans une chaudière à lessive. Nous avons poussé la modéra tion et le bon goût jusqu’à ne pas pro fiter de la circonstance pofir rappeler certains souvenirs historiques. Nous n’avons pas dit, par exemple — ce qui, après tout, eût été notre droit — (pie le Protestant Julien avait imité l'exemple du Protestant Calvin qui brûla son ami iScrvct avec des fagots de bois vert. Noua n’avons pas parle de Coligny, renouvelant les torches vivantes de Néron, attachant dus religieux à des poutres enduites de soufre et y faisant mettre le feu. Avouez cependant que cotte riposte eût été de . bonne guerre contre des gens qui s'obstinent à répéter que tous les Frères et les Bel igieux sont dos pédérastes parce que le Frère Flamidien a été accusé d’un crime d'assas sinat compliqué de sodomie dont i n’était pas coupable... Beaucoup de Protestants, nous le savons, sont indignés et révoltés de ces ignobles attaques. Il y a parmi les Protestants un grand nombre de bons Français et de patriotes qui sont nos amis. Respectueux par-dessus tout de ta liberté de pensée, nous n’écrirons...