Extrait du journal

Dans ccs chroniques hebdomadaires, que la bienveillance attentive d’un lecteur intellectuel m’autorise à trans former momentanément en cours d’Economie politique, je quitte l’idéal •royaume du sentiment pour aborder le terrain positif de la sociologie. Je cherche le moyen de codifier l’Evangile, de changer le précepte en loi, de sanctionner la Charité et les devoirs qui en découlent. Alors que les froides bises glacent l’air engrisaillé, je ne voudrais pas que Papillaud en fût réduit à sollici ter pour les pauvres l’élégante escar celle de son ami Arthur Meyer. Je vénère cette escarcelle. Je lui préférerais pourtant, je l’avoue, un ensemble d’institutions, peut-être moins élégantes, mais à coup sûr plus efficaces et mieux en harmonie avec les instincts du pays. Assez de fêtes de charité comme cela! Sous couleur de la servir, l’a-t-on assez profanée, notre lumineuse Cha rité chrétienne ? L’a-t-on assez traînée dans tous les mauvais lieux ? En a-t-on assez pollué, terni les reflets d’azur? De combien d’exhibitions ridicules, d’indécentes ribotes ne fut-elle pas le prétexte ? Que de palinodies lamen tables s’illuminèrent des clartés de son doux rayonnement ! Rétablissons les rôles intervertis : c’est le législateur que la Charité re garde, et non pas le fêtard. Au législateur le soin d’assurer l’exercice réel, effectif, de ce droit primordial, essentiel, fondamental : le droit à la vie. y Nous en sommes convenus, tout homme a le droit de vivre. Il faut bien qu’il en ait le droit, puis qu'il en a le devoir. Il en a le devoir, puisqu’on lui défend le suicide... Or, tout droit trouve son corrélatif nécessaire dans une obligation. Tout créancier suppose un débiteur. Comment le débiteur aequittera-t-il sa dette? Sous quelle forme le créancier en exigera-t-il le paiement? Posons d’abord le principe. Puis, nous étudierons ses conséquences. \ Je l’ai dit — c’est, mon point de départ — à l'aumône arbitraire il faut substituer un impôt obligatoire, sorte de tribut d’un nouveau genre, espèce de dîme évangélique et démo cratique à la fois (les deux adjectifs n’en font qu’un), dont l’objet sera d’acquitter notre charge la plus sa crée. L’impôt : voilà l’escarcelle que nous devons solliciter. L’impôt, c’est le loyer que payent les citoyens pour acheter le droit d’habiter la Maison Sociale. Rien de juste comme l’image. Oui, la Société ressemble à un im meuble colossal qu’un nombre indé fini d’étages grandit au milieu des airs. Il y a des entresols superbes, des premiers pavés d’or et d’argent où des nababs, plus riches que le fabuleux Monte-Christo, adorent le Veau sym bolique, entassent les trésors de rêve que la Bourse, la grande voleuse, alla puiser pour eux dans la poche des travailleurs. Il y a des seconds, des troisièmes et des quatrièmes égayés par cette ai sance qui, liélas ! n’est pas toujours aussi honnête qu’on l’affirme. On peut, à la rigueur, monter jus qu’aux cinquièmes, où, bourgeoise ment, l’on savoure ce que la vie a de douceurs. Mais... au-dessus...très au-dessus... ! un chaos, un monde grouillant de ga letas et de mansardes... » Malgré le froid, malgré la faim, j quelquefois on y est heureux, parce • qu’on y aime et qu’on y prie. Le plus souvent on v souffre des...