Extrait du journal
On a" coutume de dire de la légis lation qu’elle est un arsenal : on dirait tout aussi justement, plus justement peut-être, qu’elle est un magasin. De fait, elle est un grand magasin, non pas précisément de nouveautés, mais plutôt de vieilleries, avec des rayons d’une extrême diversité et des articles sans nombre. Les uns se dé bitent couramment, qui trouvent cha que jour leur application. Les autres n’ont qu’un achalandage réduit et un débit tout à fait exceptionnel. Ils sont comme oubliés dans la poussière des codes et la demande en est un long temps si rare et si imprévue, qu’à les voir tout à coup invoqués à l’improviste, on les croirait inventés tout Exprès et pour ainsi dire inexistants. Je pensais à cela l’autre jour — et sans doute je ne fus pas le seul — en lisant dans les comptes rendus judi ciaires l’incident survenu à la cour d’assises du Puy-de-Dôme, siégeant à Riom. Le jury avait rapporté un verdict affirmatif de la culpabilité de l’accusé (un incendiaire, si je me souviens bien). Sur quoi, la Cour, c’est-à-dire le Président et ses deux assesseurs, au lieu de procéder, comme d habitude, par la rentrée de 1 accusé à l’audience et l’application de la loi, selon les con séquences légales du verdict rapporté, avait délibérément refusé d’admettre ce verdict et renvoyé d’office l’affaire à une autre session et à un autre jury. Tableau. Beaucoup ont été certainement sur pris de cette procédure quelque peu insolite. Ils n’imaginaient pas que la loi pût jamais autoriser personne, et les juges moins que personne, à tenir pour nul et non avenu le verdict d’un 1UITOn se disait communément : le jury est souverain et ce qu’il a décidé l’est au même titre, sauf le pourvoi en cas sation pour vice de forme, mais seule ment pour cela, c’est-à-dire pour omis sion ou violation des formes de la loi. Et l’on était tenté d’ajouter que le président de cette cour d’assises du Puy-de-Dôme, M. le conseiller Montcourier-Bcauregard, avait pris une initiative un peu bien hardie, pour ne pas dire illégale, en envoyant ainsi promener le jury qui venait de lui Dicter l’obligation stricte et inéluctable d’appliquer la loi à l’accusé reconnu coupable. Eh bien ! on se trompait. Il est parfaitement vrai que l’article du code d'instruction criminelle dont on s'est servi dans la circonstance est demeuré d’une application extrême ment rare. J’ai demandé à quelques vieux rou tiers des palais de justice s’ils se sou venaient de l’avoir vu appliquer au cours de leur carrière. Tous m’ont répondu n'en avoir conservé aucun précédent à leur connaissance. Mais leur attention une fois ravivée, sur ce coin spécial de la procédure des af faires portées devant le jury, tous se sont rappelés l’article 352 du code d’instruction criminelle, qui ne laisse, en effet, aucun doute sur le droit de la Cour de surseoir au jugement d’un accusé qui lui parait injustement frappé par le jury d’un verdict de culpabilité. Au demeurant et pour que nul n’en ignore (car, dans ce pays où nul n’est censé ignorer la loi, le nombre est grand de ceux qui ne la connaissent que très imparfaitement) voici le texte de cet article 352, tel qu’il fut modifié par la loi du 9 juin 1853, survenant apres celle de 1835 et du G mars 1848 : Dans le cas où l'accusé est reconnu cou pable et si la Cour est convaincue que les jurés, tout en observant les {ormes, se sont trompés au fond, elle déclare qu'il est sur sis au jugement et renvoie lalfaire à la ses sion suivante, pour xj être soumise à un nouveau jury dont ne peut faire partie au cun des jurés qui ont pris part à la délibé ration annulée. M. Montcouricr-Beauregard et ses deux assesseurs étaient donc on ne peut plus orthodoxes, on ne peut plus irréprochables au regard de la loi. Aussi, leur initiative juridique a-t-elle été promptement appréciée et a-t-elle promptement suscité des imita teurs. L’article 352 qui sommeillait sur une étagère du grand magasin, au rayon cependant très fréquenté de l’Instruction criminelle, se trouve tout à coup tiré de Voubli et soudainement très demandé. Le voilà lancé, le voilà à la mode, 6i Ton peut dire. A peine étions-nous informés de son apoarition à la cour d’assises du...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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