Extrait du journal

CANAILLERIE DE RICHE Sous ce titre, notre confrère Pierre Denis raconte dans la Cocarde une histoire bien édifiante que nous allons résumer briève ment : En 1882, existait dans une grande ville de Champagne un journal local d’une influence réelle, mais dont la situation financière était peu brillante. Un homme politique de province, fort riche mais économe, petit-fils d’un ancien ministre de la monarchie, rallié à la Répu blique, eut l’idée d’acheter ce journal. Mais, pour réussir, il fallait d’abord que ce journal fût à vendre. Notre homme politique de province usa alors d’un procédé des plus ingénieux. Le président du conseil de surveillance de la société du journal, un brave bonnetier, avait fait des avances au journal; le per sonnage politique en question décida le bonnetier à faire déposer le bilan par le gérant, s’engageant à lui payer le montant de ses avances. Un compromis contenant ces engagements réciproques fut conclu et signé chez le no taire du dit personnage, qui commettait et provoquait à commettre un acte fraudu leux, qualifié et prévu par le Code de com merce et le Code pénal, puisqu’il avait pour but de soustraire un gage à descréanciers. L’honnête bonnetier, averti que le cas re levait de la cour d’assises, déménagea au plus vite et ne reparut plus. Le journal, mis en faillite, fut acquis aux enchères par d’autres que le personnage politique de province et au prix de 55,000 fr., alors que le susdit prétendait l’acquérir frauduleusement pour 23,000 francs. La manœuvre avait donc échoué. Mais, conclut notre confrère Pierre Denis, « M. Jaurès n’aurait sans doute pas eu l’occasion de prononcer sa belle harangue en défen dant le Chambard, si mon bonnetier et le grand homme provincial étaient alors pas sés de compagnie en cour d’assises pour manœuvres ayant pour but la banqueroute frauduleuse, un détournement d’actif et la violation de la liberté des enchères. » L’histoire était intéressante à raconter, car nos lecteurs ont déjà reconnu quel était ce personnage politique de province, bien qu’il ait parcouru beaucoup de chemin de puis 1882... H. B....