Extrait du journal

(Correspondance particulière de La Libre Parole) Saint-Pétersbourg, 11 mai. Le procès d’Emile Henry et surtout sa dé claration devant les jurés ont produit une vive impression en Russie. La Presse russe s’est occupée spécialement des idées émises par cet anarchiste dans sa déclaration et chaque feuille a donné là-dessus son opi nion ; mais presque toutes se rencontrent dans l’argument que la principale cause du malaise qui se manifeste en France par des explosions anarchistes — c’est l’absence de toute idée religieuse. Je crois utile de vous donner à ce sujet quelques extraits d’un article sur Emile Henry publié dans un journal de notoriété universelle, dans la Gazette de Moscou, qui fut autrefois l'organe du grand publiciste Katkoff. Aprèsavoir analysé la déclaration d’Emile Henry, la Gazette de Moscou écrit : « En di sant qu’il ne craint que le jugement de sa conscience, Je jeune anarchiste ne fait qu’exprimer ce point de vue de morale in dépendante qui règne actuellement dans la science et la philosophie progressistes en Europe. En niant le jugement des hommes, Henry ne reconnaît pas celui de Dieu et c’est de là que vient le détachement d’hu manité de tous ces lutteurs pour l'humanité, détachement qui les pousse à lancer des bombes et à tuer des personnes innocentes. «La conscience sans Dieu est une énormité, » a dit Destoïewky et elle est capable de » s’égarer jusqu’au comble de l’immoral. » n Toute la philosophie d’Henry se résume dans la philosophie populaire si répandue dans la société européenne. Et si quelqu’un comme Elisée Reclus, tout eu professant la même philosophie, ne lance pas de bom bes, c’est uniquement parce qu’il a sa part au banquet de la vie, tandis qu’Henry n’ayant pas eu sa part s’est mis à lancer des bombes. Le fait est qu’Henry et ses pa reils ne diffèrent en rien des bourgeois Français qui n’ont d’autre Dieu que leur ventre. »Et cette société bourgeoise, en recourant aux mesures les plus rigoureuses contre les anarchistes, ces violateurs implacables de toute loi humaine, n’en persiste pas moins à nier, par principe, les lois divines et par cela même rend sans force les lois humai nes qu’elle défend. » L’anarchisme ne saurait être terrassé par la force que lorsque celle-ci a derrière elle une idée sublime, Mais dès que cette force n’agit qu’au nom de la préservation de soi-même, elle n’a aucune puissance à lutter contre l’anarchie. Tant que la so ciété bourgeoise de France professera la même philosophie matérialiste qui fait le fond des idées d’Henry, l’hydre de l’anar chisme restera toujours cet hydre mytho logique qui à chaque tête qu’on lui coupe rait en levait repousser d’autres plus viva ces que les premières. » Ceux qui soutréelleuient responsables de...