Extrait du journal

LE SOLEIL EN BOUTEILLE D’ingénieux lanceurs d’affaires ont émis à New-York les actions d’une société dont le but — tenez-vous bien ! — est de mettre le soleil en bouteilles, pour faire pousser les choux et les carottes pendant les ctés froids ou pluvieux. Ils ont récolté cinq beaux millions, s’il vous plaît ! Le Société des Bitumes du Maroc, qui fit perdre tant de plumes à Jérôme Paturot, est désormais enfoncée ! Mais il faut reconnaître que la mise en scène des financiers américains avait été su périeurement organisée. Les filous humoristiques avaient construit des usines. Dans ces usines, il y avait des miroirs, ironique symbole compréhensible seulement pour les chasseurs d'alouettes.Ces miroirs étaient reliés à des fils électriques avec des lampes à incandescence. J'ignore ce que pouvaient produire ces miroirs, ces fils, ces lampes ; les gogos non plus. Il n’en ont pas moins sorti cinq millions de leurs poches. Ces usines et leurs appareils pourtant inquié tants leur donnaient confiance. Les filous ont été arrêtés. C’est à cela qu’on a bien vu qu’on était en Amérique. On a pris l’affaire tout de suite au sérieux. En France, cette histoire aurait mis tout le monde en joie, et les filous n’auraient pas été arrêtés ou auraient eu immédiatement des non-lieu, par la bonne raison qu’on au rait vraisemblablement trouvé derrière eux un ministre ou quelques députés — car tout le monde n’a pas des concessions en Tunisie !... Il est vrai que s’ils avaient été arrêtés et condamnés, l’opinion eût risqué de leur être sympathique. Elle aurait dit : <« Attention ! Ils sont peut-être innocents ! Et la justice peut fort bien les poursuivre, parce qu ils n'ont pas voulu partager leurs gains avec les grosses légumes gouverne mentales. » Qu’est-ce donc, au surplus, que cinq mil lions d’escroqueries, auprès du milliard escro qué officiellement aux Congrégations ? Et pourquoi nous apitoyer outre mesure, après tant de ruines et de vols dont nous sommes les témoins, sur cette mise en bou teille du-soleil, qui n’est que la mise en bo cal de quelques cornichons ? — Jean Drault. Combes et Caillaux...