Extrait du journal

Le gouvernement refuse décidément de « suivre » dans les plaintes déposées rela tivement à la mort suspecte de Félix Faure; en compensation, il accorde îles poursuites que personne n'avait demandées contre le docteur Thiéry, médecin légiste à SaintMihiel. Le crime du doclciur Thiéry, tout le monde le connaît : il a public, dans un journal, des déclarations très nettes et même très vives à propos de l'internement de l'ogresse Jeanne Weber qui, selon lui, n'a jamais été jolie et devait être tenue pour entière ment responsable de ses crimes. Notez que des quantités de médecins, qui n'ont jamais été et ne seront jamais l'objet d'aucune poursuite, rivaient, bien avant le docteur Thiéry, exprimé, sur la mentalité de la Weber, des opinions sensiblement analogues à celles de l'honorable médecin de Sàint-Mihiel. Je citerai tout d'abord les noms de deux braves et avisés docteurs de Châteauroux, qui jurent l'objet de toutes sortes d'avanFs pour avoir osé — contrairement à l'a>'is du trop fameux expert, prince de la Science cl de la Gaffe, nommé Thoinot — soutenir que l'ogresse était une odieuse simulatrice, mais nullement une aliénée irresponsable. Ultérieurement, des aliénistes plus ou moins célèbres, tels que les professeurs Jofjroy et Ségalas, les docteurs Uupré ( l Vallon, proclamèrent à leur tour que Jeanne Weber était parfaitement saine d’esprit et, par conséquent, responsable. Toutes ces opinions ont été, les unes au tant que les autres, rendues publiques et formulées plus ou moins longuement ou brièvement dans les journaux et revues de toutes nuances et de toute périodicité. Comment donc expliquer que ce qui avait été considéré comme parfaitement naturel et licite dans la bouche ou sous la plume de tous ces docteurs, soit devenu subite ment matière à poursuites, du jour où le docteur Thiéry a parlé ? C'est à croire qu'il y a dans les Parquets des magistrats infini ment moins bien équilibrés que l'Oqresse I A moins que les poursuites intentées con tre le médecin de Saint-Miliiel n'aient tout simplement pour but de venger les attentats commis contre l'infaillibilité scientifique de l'illustre professeur Thoinot ? Si ce dernier personnage aspire à se re faire une virginité à la faveur de ces pour suites absurdes, je crains fort qu'il ne sc prépare de nouveaux déboires. Cet expert célèbre, et même trop célèbre, navait pas, en effet, attendu l'affaire Jeanne Weber pour donner la mesure de ses forces et de ses lumières ? Il garde à son passif un cer tain nombre d'autres affaires retentissantes et, entre toutes, l'affaire Boisleux-Lajarrige, dont le nom revient toujours sous la plume quand il s'agit d'évoquer la plus monstrueu se et la plus lamentable erreur judiciaire de ces vingt dernières années... Dans tous les cas, en admettant que les poursuites intentées contre le docteur Thié ry ne soient pas promptement enterrées sous le ridicule, le Parquet devra changer le motif de l'inculpation. Ce n'est pas pour violation du secret professionnel que doit être poursuivi l'honorable docteur : c'est pour violation du secret... de Polichinelle !... A. de Boisandré. — • LE GOUVERNEMENT redoutait des manifestations...