Extrait du journal

tive enchanterait les gens de théâtre. Ils ne redoutent qu’une chose : le silence. Tout est factice en ce milieu. Le poulet qu’on mange est en carton, l’eau ne mouille pas, la forêt n’a pas de feuillages. On n’est jamais mort pour de bon. On rit sans en avoir envie. Les compliments qui s’échan gent dans les coulisses et le cabinet du directeur sont tout aussi illusoires que l’orage de sable et la mer de pa pier mouvant. C’est un endroit échauffé, resserré, où les visages s’éclairent par en bas, où l’on doit grimacer les sentiments, la co lère, la joie et l’amour. Le temps et l’es pace sont mesurés, si le contentement de soi n’a pas de mesure Alors, on se raccroche désespérément aux appa rences. On s’imagine qu’en répétant chaque matin que l’auteur de la pièce est génial, que l’acteur a remporté un triomphe et que le directeur est un chéri, ces « crétins de payants » n’y verront que du feu. Mais les « crétins de payants » regimbent et on aura du mal à leur faire croire que la critique est la grande cause de la déchéance de l’art dramatique. LÉON DAUDET....